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Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/243

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de Fernand Mendez Pinto.

amitié de frere auec le Roy de la Chine, ce qui eſtoit cauſe qu’ils s’en alloient traficquer en ſon païs, pour la meſme raiſon que les Chinois auoient accouſtumé d’aller à Malaca, où ils eſtoient traittés auec toute verité, faueur & iuſtice, ſans qu’il leur fuſt fait aucun tort. Or combien que ces deux points fuſſent deſagreables au Mandarin, ſi eſt-ce que touchant le dernier particulierement, par lequel il nommoit le Roy de Portugal frere du Roy de la Chine, il le priſt en ſi mauuaiſe part, que ſans auoir eſgard à rien que ce fuſt, il commanda qu’on foüetaſt cruellement ceux qui auoient apporté la lettre, meſme il leur fiſt coupper les oreilles, & ainſi il les renuoya auec vne reſponce à Antonio de Faria, eſcrite ſur vn meſchãt morceau de papier tout déchiré, où ſe liſoient ces paroles : Puante charongne, née des mouches croupies dans le plus vilain cloüaque qu’il y puiſſe auoir dãs les cachots des priſonniers, qu’on ne nettoye iamais, qui a donné l’aſſurance à ta baſſeſſe, d’entreprendre d’eſplucher les choſes du Ciel, ayant fait lire ta requeſte, par laquelle comme Seigneur que ie ſuis, tu me pries d’auoir pitié de toy, qui n’est qu’vn pauure miſerable ? Comme genereux que ie ſuis, ma grandeur eſtoit déja preſque ſatisfaicte du peu que tu me preſentois, i’auois quelque inclination à t’accorder ta demande, lors que mon oreille a eſté touchée par l’horrible blaſpheme de ton arrogance, qui te fait appeller ton Roy frere du fils du Soleil, Lyon couronné par vne puiſſance incroyable au throſne du monde, aux pieds duquel ſont ſoubmiſes toutes les couronnes de ceux qui gouuernent la terre, voire tous les ſceptres ne ſeruent que d’agraphes a ſes tres-riches ſandales eſcraſées par le frotement de ſes talons, comme le certifient ſoubs la loy de leurs verités les eſcriuains du Temple de l’or, & ce par toute la terre habitable. Sçache donc que pour la grande hereſie que tu as proferée, i’ay fait bruſler ton papier repreſentant en iceluy par ceremonie d’vne cruelle iuſtice la vile ſtatuë de ta perſonne, deſirant t’en faire de meſme pour l’enorme crime que tu as commis. A cauſe dequoy ie te commande que tu faſſes voile tout maintenant, afin que la mer qui te ſouſtient ne ſoit point maudite. Si toſt que l’interprete, qu’ils appellent Tauſud, eut acheué de lire la lettre, & qu’il eut expliqué ce qu’elle diſoit, tous ceux qui l’ouyrent furent grandement honteux ; entre leſquels il n’y en eut point à qui cet affront fuſt plus ſenſible qu’à Antonio de