Aller au contenu

Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
Voyages Aduentureux

donner l’eſcarmouche ; en quoy ils ſe monſtroient ſi maladroits, que le plus ſouuent ils s’entrechoquoiẽt & ſe laiſſoient choir à tous coups par terre, ce qui nous fiſt connoiſtre que ce deuoit eſtre de ceux d’alentour qui eſtoient là venus par force pluſtoſt que de leur gré. Alors Antonio de Faria grandement ioyeux ſe miſt à encourager les ſiens au combat, & faiſant ſignal à ſes Iuncos il attendit les ennemis de pied ferme, s’imaginant qu’ils ne vouloient point ſe battre autrement que par ces apparences & demonſtrations de fanfarons. Toutesfois ils recommẽcerent de nouueau l’eſcarmouche, faiſant ſans ceſſe la ronde à l’entour de nous, & croyant que cela ſuffiroit pour nous donner l’eſpouuente & nous faire retourner à nos vaiſſeaux. Mais quand ils virent que nous demeurions fermes, ſans tourner le dos, ainſi u’ils croyoient, & comme ils deſiroient poſſible que nous fiſſions, ils ſe mirent tous en vn corps, & ainſi amaſſés en fort mauuais ordre ils s’arreſterẽt vn peu, ſans aduancer dauãtage. Alors Antonio de Faria noſtre Capitaine les voyant en cette poſture, fiſt tirer tout à coup ſes Mouſquetaires, qui iuſques à ce temps là n’auoient fait aucun bruit, ce qui reuſſit auec tant d’effet qu’il plût à Dieu que la plus part de cette belle caualerie ſe laiſſaſt choir de frayeur. Alors prenãt cela pour vn bon augure, nous couruſmes apres eux, & les pourſuiuiſmes vertement, inuoquant à noſtre ayde le nom de Ieſus ; auſſi ſon bon plaiſir fut que par ſa diuine miſericorde, les ennemis nous laiſſant les champs s’enfuirẽt ſi eſtourdis & ſi en deſordre, qu’on les voyoit tõber peſle meſle les vns ſur les autres. De cette façon arriuez qu’ils furent à vn pont qui trauerſoit le foſſé de la ville, ils s’embarraſſerent tellement qu’ils ne pouuoient ny aduancer, ny reculer ; cependant voyla ſuruenir le gros de nos gens qui ſceurent ſi bien tirer ſur eux qu’ils en firent demeurer plus de trois cens couchez peſle meſle les vns ſur les autres, choſe pitoyable pour en dire le vray, car il n’y en eut pas vn qui euſt l’aſſeurance de mettre la main à l’eſpée. En meſme temps pourſuiuant ardemment la premiere pointe de cette victoire, nous couruſmes à la porte, où nous trouuaſmes le Mandarin à la teſte de ſix cens hommes, monté ſur vn bon cheual, auec vne cuiraſſe garnie de velours vio-