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de Fernand Mendez Pinto.

let à l’antique, que nous ſceuſmes depuis auoir eſté à vn Portugais nommé Tome Pyrez, que le Roy Dom Emmanuel de glorieuſe memoire auoit enuoyé pour Ambaſſadeur à la Chine, dans le nauire de Fernand Perez d’Andrate, au temps que les Indes eſtoient gouuernées par Lopo Suarez d’Albergaria. A l’entrée de la porte Mandarin & ſes gens nous voulurent faire teſte, ce qui fut cauſe que les vns & les autres nous eſchauffaſmes ſi fort au combat, que dans vn quart d’heure les ennemis ſe meſlerent tous parmy nous auec beaucoup moins de crainte que ceux de deſſus le pont. Cependant il arriua par vn grand bon-heur, que d’vn coup d’harquebuſe qu’vn de nos valets tira, il frappa le Mandarin droit à l’eſtomach, & le ietta de ſon cheual en bas ; ce qui effraya tellement les Chinois, que tous enſemble tournerent le dos auſſitoſt, & ſans tenir aucun ordre ils commencerent à ſe retirer dans les portes, n’y ayant perſonne parmy eux, qui euſt l’eſprit de les fermer, ſi bien que nous les chaſſaſmes deuant nous à grands coups de lance, comme ſi c’euſt eſté du beſtail. Ainſi ils s’enfuirent peſle meſle le long d’vne grande rüe, & ſortirent par vne autre porte qui eſtoit du coſté de la terre par où ils s’enfuirent tous ſans qu’il en demeuraſt vn ſeul. A l’heure meſme Antonio de Faria ayant aſſemblé tous les ſiens en vn gros, de peur qu’il n’arriuaſt quelque deſordre s’en alla auec eux droit à la priſon, où eſtoient empriſonnés nos cõpagnons, qui nous voyant firent vn grand cry, diſans ; Seigneur Dieu miſericorde. Les portes & les grilles furent incontinent rompuës à coups de haches, ſi bien qu’auec l’ardeur qu’vn chacun s’y portoit on les mit en pieces, & l’on oſta les fers à ces pauures priſonniers nos compagnons, qui par ce moyen furent deliurez en fort peu de temps. Alors il fut commandé aux ſoldats, & à tout le reſte des Gens de noſtre compagnie, que chacun en ſon particulier taſchaſt de butiner ce qu’il pourroit, afin que ſans parler par apres d’aucune ſorte de partage, les vns & les autres demeuraſſent maiſtres de ce qu’ils auroient pris. Toutefois Antonio de Faria les pria que cela ſe fiſt promptement, & ne leur donna pour cét effet que demie heure de temps : à quoy tous s’accorderent tres-volontiers, & ainſi