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Voyages Aduentureux

ils ſe mirent à piller les maiſons. Cependant Antonio de Faria s’en alla en celle du Mandarin qu’il priſt pour ſa part, & y trouua huit mille Taeis en argent, enſemble cinq grandes vaſes tous pleins de muſc qu’il fit garder. Pour le ſurplus il le laiſſa aux valets qui eſtoient auec luy, leſquels y trouuerent encore beaucoup de ſoyes torſes, enſemble quantité de ſatins, damas, & de pourcellaines fines, dont chacun en priſt autant qu’il en pût porter, ſi bien que les quatre Barcaſſes & les trois Champanas où nos gens s’eſtoient debarqués, furent par quatre diuerſes fois chargés & deſchargés dans le Iunco, & ainſi il n’y euſt ſi chetif valet de marinier parmy nous qui parlaſt de ce butin autrement que par caiſſes, ſans y comprendre ce qu’vn chacun d’eux celoit à part ſoy. Mais comme Antonio de Faria apperceuſt qu’vne heure & demie s’eſtoit paſſée à butiner, il fiſt faire retraitte aux ſiens, qui eſtoient tellement eſchauffés au butin, qu’il n’y auoit aucun moyen de les raſſembler, ce qui fut encore plus remarqué aux perſonnes de qualité que non pas aux autres : voyla pourquoy le Capitaine apprehendant qu’il n’arriua quelque deſaſtre à cauſe que la nuit s’approchoit, fiſt mettre le feu à la ville par dix ou douze endroits, qui pour eſtre preſque toute baſtie de ſapin & d’autre bois, s’embraſa ſi fort en moins d’vn quart d’heure, qu’à la voir ainſi bruſler, on l’euſt priſe pour vn pourtrait de l’Enfer. Ces choſes ainſi miſes à fin & tous nos hommes s’eſtans retirés, Antonio de Faria s’embarqua ſans aucun empeſchement, & tous nos gens furent ſatisfaits & contens, emmenans auec eux pluſieurs belles filles ; ſans mentir, c’eſtoit pitié de les voir mener quatre à quatre & cinq à cinq, liées auec les meſches des mouſquets, & toutes deſolées, pendant que les noſtres ne faiſoient que rire & chanter.