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Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/264

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Voyages Aduentureux

de quantité d’eſtendars & de banderolles de ſoye, le tout jonché par en bas de forces flambes & bois de roſes vermeilles & blanches, dont il y en a vne tres-grande abondance à la Chine. Dans ce bocage eſtoiẽt dreſſées trois longues tables, & entourées d’vne paliſſade de myrthe fort longue auſſi, dont toute la place eſtoit enuironnée, ou il y auoit pluſieurs conduits d’eau qui couroient des vns aux autres, par certaines inuentions des Chinois qui eſtoient ſi ſubtiles, que nul n’en pouuoit reconnoiſtre le ſecret. Car par le moyen d’vn certain ſoufflet, tel que peut eſtre celuy d’vn orgue, auquel le principal conduit aboutiſſoit, l’eau rejaliſſoit ſi haut, que lors qu’elle venoit à deſcendre en bas elle tomboit auſſi menu que de la roſée : de ſorte qu’auec vn ſeul pot remply d’eau on pouuoit arrouſer cette grande place. Deuant ces trois tables fe voyoient dreſſez de meſme trois grands buffets pleins de quantité de porcelaine tres-fine, & où ſe voyoient ſix grands vaſes d’or, que les marchands Chinois auoient apportez & emprunté des Mendarins de la ville de Liampoo. Car en ce pays là les perſonnes de qualité ſe ſeruẽt tous en vaiſelle d’or, & l’argent n’eſt que pour ceux de moindre condition. Ils apporterent auſſi pluſieurs autres pieces de vaiſſelle toute d’or comme grands baſſins, ſalieres, & couppes fort agreables à la veuë, ſi de temps en temps elles n’euſſent donné de l’enuie à ceux qui les regardoient. Apres qu’on eut congedié ceux qui n’eſtoient pas du bãquet, il n’y demeura que les conuiez, qui eſtoiẽt quatre-vingts en nombre, ſans y comprendre cinquante ſoldats d’Antonio de Faria. S’eſtans mis à table ils furent ſeruis par des ieunes filles grandement belles, & fort bien veſtuës à la mode des Mandarins. A chaque ſeruice qu’on portoit ſur table elles chantoient au ſon de certains inſtrumens melodieux, dont ioüoiẽt quelques autres de leur compagnie. Pour le regard d’Antonio de Faria il fut ſeruy par huit femmes, filles d’honneſtes marchands extrememẽt blanches & gentilles, à qui leurs peres en auoient donné la permiſſion, les auoient là menez de la ville, pour l’amour de Matthieu Brito, & de Triſtan de Gaa. Elles eſtoient veſtuës en Sereines, & portoient la viande ſur table en danſant au