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de Fernand Mendez Pinto.

ſon de diuers inſtrumens ; choſe merueilleuſe à voir, & dequoy tous les Portugais demeurerent fort eſtonnez, ne pouuant aſſez loüer l’ordre & la gentilleſſe de ces magnificences, dont leurs oreilles & leurs yeux eſtoient charmez ; ce qu’il y auoit de remarquable auſſi, c’eſt qu’à chaque fois qu’ils beuuoient, l’on faiſoit ſonner les trompettes, les haut bois & les tambours Imperiaux ; en cét ordre le banquet dura bien deux heures, pendant leſquelles il y eut touſiours des intermedes à la Portugaiſe & à la Chinoiſe. Ie ne m’arreſteray pas icy à vous raconter la delicateſſe & l’abondance des viandes qu’on y ſeruit, pour ce que ce ſeroit vne choſe ſuperfluë, voir infinie de deduire chaque choſe en particulier. Il me ſuffira de vous dire que ie mets fort en doute s’il ſe peut faire vn feſtin, ſi ce n’eſt en fort peu d’endroits, qui ſurpaſſe celuy-cy en aucune choſe que ce ſoit. Apres que les tables furent leuées ils s’en allerẽt à vn autre carrefour, enuironné d’eſchafauts tous tendus de ſoye, & qui eſtoient tous pleins de monde, là ſe voyoit vne grãde place dans laquelle on courut dix taureaux & cinq cheuaux ſauuages ; ce qui fut vn paſſe-temps ſi agreable qu’on n’en eut ſceu auoir vn plus beau, durant lequel on ouït retentir de toutes parts quantité de trompettes, de fifres & de tambours, tant Imperiaux, qu’ordinaires. En ſuite dequoy furent repreſentées plusieurs mommeries de diuerſes inuentions. Or pour ce qu’il eſtoit deſia tard, & qu’Antonio de Faria voulut derechef s’embarquer pour s’en aller paſſer la nuit dans ſes vaiſſeaux, il en fut empeſché par ceux de la ville, qui ne le voulurent iamais permettre ; car on luy auoit appreſté deſia pour logis les maiſons de Triſtan de Gaa, & de Matthieu de Brito ayant fait faire pour cela vne galerie de l’vne à l’autre, là il fut logé fort commodément durant cinq mois de temps qu’il fut de ſejour, ſans iamais manquer de diuertiſſemens, & de nouveaux paſſe-temps, qui conſiſtoient en peſcheries, & en diuerſes ſortes de chaſſes, de voleries de faucons & d’eſperuiers, enſemble à d’autres de cerfs, ſangliers, taureaux & cheuaux ſauuages, dont il y en a quantité dans cét Iſle ; à quoy furent ioints auſſi diuerſes ieux & paſſe-temps de farces & mommeries de pluſieurs ſortes, ſans