Aller au contenu

Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
Voyages Aduentureux

ne luy arriuaſt quelque deſaſtre pour le grand hazard auquel nous nous expoſions ; nous employaſmes tout ce iour-là & toute la nuit ſuiuante à ſortir de toutes les Iſles d’Angitur, & pourſuiuiſmes noſtre route par des mers que les Portugais n’auoient veuës ny nauigées iuſques à lors. Parmy ſes dãgers, qui eſtoient ſi grands que nous en eſtions tous confus, nous euſmes le vent aſſez fauorable durant les cinq premiers iours, & fuſmes à veuë de terre iuſques à l’emboucheure de l’anſe des peſcheries de Nanquin. Là nous trauerſaſmes vn Golphe de quarante lieuës, & deſcouuriſmes vne montagne fort haute appellée Nangafo, vers laquelle tirant auec la prouë du coſté du Nord ; nous couruſmes encore cinquante iours. A la fin le vent s’abaiſſa vn peu ; & pour ce qu’en cét endroit les marées eſtoient fort groſſes, Similau ſe mit à vne petite riuiere, où eſtoit vne rade de bon fonds, & de bon abord habitée par des hommes fort blancs, & de belle taille, & qui auoient les yeux forts petits comme les Chinois, mais fort differents d’eux, tant de langage que de veſtemens. Or durant trois iours de temps que nous fuſmes là, ces habitans ne voulurent auoir aucune ſorte de comunication auec nous ; au contraire ils s’en vindrent par troupe ſur le riuage, pres duquel nous eſtions ancrés, hurlant d’vne façon fort hideuſe, & tirant contre nous à coups de frondes & d’arbaleſtes, ioint qu’ils couroient de toutes parts cõme forcenés, & ſembloient auoir peur de nous. Trois iours apres que le temps & la mer nous permirent de continuer noſtre route, le Similau par qui tout ſe gouuernoit alors, & à qui chacũ rendoit obeïſſance fit voile tout auſſi toſt, mettant la prouë vers l’Eſt Nordeſt. Par cette route il n’auigea encores ſept iours à veu de terre, puis trauerſant vn autre Golfe, apres qu’il ſe fut tourné vers l’Eſt, il affranchit vn deſtroit de dix lieuës de large qui s’appelle Sileupaquin. Là il nauigea encore cinq iours, ſans iamais abandonner de veuë beaucoup de bonnes Citez & villes fort riches. Auſſi cette riuiere eſtoit frequentée d’vne infinité de vaiſſeaux. Or pour ce qu’Antonio de Faria, craignoit d’eſtre apperceu, à cauſe qu’on l’auoit aſſeuré que s’il falloit que ce malheur luy arriuaſt, il n’en eſchapperoit iamais la vie ſauue,