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Voyages Aduentureux

faire, ou du riz que les marchands de la Chine leur apportoient de Catan, en eſchange des fourrures qu’ils leur bailloient ; en ſuite de cela il nous dit, qu’il eſtoit bien aſſeuré que les droits que l’on payoit de ces peaux aux doüanes de Pocaſſer & de Lantau, ſe montoient au nombre de vingt mille Cates, & que chacun Cates ou Balot, eſtoit de ſoixante peaux ; d’où l’on peut inferer que ſi le Chinois diſoit vray, il ſortoit tous les ans de ce païs plus de deux cens mille fourrures, dont ces peuples ſe ſeruoient en hyuer à doubler les robes, tapiſſer des maiſons, & à faire des couuertures de lict, pour reſiſter à la froideur du climat qui eſt grande. Alors Antonio de Faria bien eſtonné de cela, & de pluſieurs autres choſes que Similau luy diſoit ; mais plus encore de la difformité de ces Gigauhos, dont ce Chinois l’entretenoit, il le pria qu’il taſchaſt de luy en faire voir quelqu’vn, l’aſſeurant que cela le contenteroit plus que s’il luy donnoit tous les threſors de la Chine ; à quoy Similau luy fiſt reſponse ; Seigneur Capitaine, puis que ie voy que cela m’importe, tant pour me maintenir en credit enuers vous, que pour impoſer ſilence à ceux qui murmurent contre moy, & qui ſe pouſſant l’vn l’autre ſe mocquent de moy, quand ie vous raconte ces choſes qu’ils tiennent pour autant de fables, afin que par vne verité ils puiſſent entrer en connoiſſance de l’autre, ie vous promets qu’auparauant que le Soleil ſoit couché, ie vous feray voir vne couple de ces gens-là, & parler à eux, à cõdition que vous ne mettrez point pied à terre, comme vous auez touſiours fait iuſqu’à maintenant, de peur qu’il ne vous arriue quelque malheur, comme il aduient tous les iours aux marchands qui ſe veulent pourmener aux deſpens du bien d’autruy. Car ie vous aſſeure que les Gigauhos ſont d’vn naturel ſi brutal & ſi farouche, qu’ils ne ſe nourriſſent que de chair & de ſang, comme tous les animaux qui viuent dans ces foreſts. Ainſi comme nous continuons d’aller à voile & à rame le long de ces coſtes, voyant touſiours l’eſpaiſſeur des arbres, & la rudeſſe des montagnes, enſemble vn nombre infiny de Guenuches, Singes, Renards, Loups, Cerfs, Sangliers, & autres tels animaux sauuages, qui à force de courir dans ces lieux couuerts, s’embarraſſoient les