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de Fernand Mendez Pinto.

encore ſept iours, qui faiſoient deux mois & demy, depuis le temps que nous eſtions partis de Liampoo. Deſlors Antonio de Faria commença d’entrer en défiance de ce que Similau luy auoit dit, de maniere qu’il ſe repentit d’auoir entrepris le voyage, comme il le confeſſa publiquement deuant tous. Neantmoins pour ce qu’il n’y auoit point d’autre remede pour luy que de ſe recommander à Dieu, & ſe preparer auec prudence à tout ce qui luy pouuoit arriuer, il le fit auec beaucoup de courage. Il arriua cependant qu’vn matin ayant demandé à Similau en quel lieu il croyoit eſtre, il luy reſpondit fort mal à propos, & en homme qui ſembloit auoir perdu le iugement, ou qui ne ſçauoit quel chemin il auoit fait ; Dequoy Antonio de Faria ſe mit ſi fort en colere qu’il le voulut tuer d’vn poignard qu’il auoit à ſon coſté, ce qu’il euſt fait ſans doute, s’il n’en euſt eſté diuerty par pluſieurs perſonnes, qui luy conſeillerent de n’en rien faire, & que cela ſeroit cauſe de ſon entiere ruïne. Alors ayant moderé ſa colere il obeït au conſeil que les amis luy donnerent. Pour tout cela neantmoins il ne fut pas ſi calme dans ce premier mouuement, que portant ſa main sur ſa barbe il ne iuraſt : que ſi d’en trois iours il ne luy faiſoit voir le vray ou le faux de ce qu’il luy auoit dit, il le poignarderoit infailliblement. Dequoy Similau demeura ſi fort eſpouuenté, & en conceut vne telle apprehenſion en ſon eſprit, que la nuit ſuiuante comme ils eſtoient tous arreſtez le long de la terre il ſe laiſſa couler du vaiſſeau dans la riuiere, ce qu’il fit ſi habilement qu’il ne fut apperceu de la ſentinelle iuſques à ce que les gardes furent finies qui en aduertirent incontinent Antonio de Faria. Cette nouuelle le mit alors ſi hors de ſoy-meſme, que peu s’en fallut qu’il ne perdit toute patience ; ioint que d’apprehenſion qu’il auoit qu’il n’arriuaſt quelque reuolte, à quoy il voyoit que les ſoldats eſtoient deſia diſpoſés, il faillit à tirer les deux ſentinelles pour la mauuaiſe garde qu’ils auoit faite. A l’heure meſme il pied à terre auec tous les ſiens, & paſſa preſque toute la nuit à chercher Similau ſans le pouuoir iamais trouuer, ny aucune autre perſonne viuante qui luy en peut donner des nouuelles ; mais ce qu’il y eut de pire encore fut que s’eſtant rembar-