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Voyages Aduentureux

luy pourroient aſſez ſuffiſamment rendre raiſon de ce qu’il demanderoit ; qu’au reſte ſon aduis eſtoit d’aller pluſtoſt par le milieu de l’anſe, que terre à terre, à cauſe du grand nombre de Lorchas & Lanteaas qui n’auigeoient ſans ceſſe de part & d’autre. Ce conſeil fut trouué bon d’vn chacun, & il n’y eut celuy qui ne fuſt bien content de le ſuiure. Nous auions deſia ſix iours à continuer noſtre route vers l’Eſt & l’Eſt Nordeſt, lors que nous deſcouuriſmes deuant nous vne grande ville nommée Sileupamor, où nous allaſmes tout droit & y entraſmes à deux heures de nuict dans le havre, où il faiſoit fort bon ancrer à deux lieuës à l’entour, auſſi nous y viſmes à l’ancre vn grand nombre de vaiſſeaux ; qui ſelon l’aduis de quelques-vns eſtoient plus de trois mille de nombre, ce qui nous donna ſi fort l’alarme, que ſans oſer tant ſoit peu branſler nous en ſortiſmes paiſiblemẽt. Trauerſant donc la riuiere, qui pouuoit eſtre deſia de ſix ou ſept lieuës, nous continuaſmes noſtre route tout le reſte du iour, & coſtoyaſmes vne grande pleine, auec deſſein de nous accommoder de viures au premier lieu où nous en trouuerions. Or d’autant que nous n’en auions alors que fort peu, & qu’on nous les diſtribuoit auec vn grand ordre, nous paſſaſmes treize iours dans vne extreme neceſſité, de telle ſorte qu’on ne donnoit qu’à chacun trois bouchées de riz cuit dans de l’eau, ſans autres choſe quelconque. Comme nous eſtions en cette extremité nous arriuaſmes pres de certains edifices fort vieux que l’on appelloit Tanamadel, là nous miſmes pied à terre vn matin auant le iour, & donnaſmes dans vne maiſon qui eſtoit vn peu eſloignée des autres, où il pluſt à Dieu que nous trouuaſmes vne grande quantité de riz, enſemble de petites febues de hariquot, de grands pots tout pleins de miel, des oyſons parfumez, des oignons, des aulx & des canes de ſucre dont nous fiſmes telle prouiſion que nous vouluſmes. Quelques Chinois nous dirẽt depuis que cette maiſon eſtoit la deſpence d’vn hoſpital qui ſe voyoit à deux lieuës de là, où l’on faiſoit les prouiſions des pelerins qui paſſoient par là pour s’en aller en pelerinage viſiter les tombeaux des Roys de la Chine. Nous eſtans rembarquez bien fournis de viures nous continuaſmes noſtre voyage