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Voyages Aduentureux

pos & Menigrepos ont fait les feux que vous auez veus, & auec beaucoup de diligence ils ont enuoyé aduertir les villes de Corpilem & de Fonbana, afin d’accourir promptement au ſecours auec vn grand nombre de gens du païs. Cela eſtant ie vous aſſeure qu’ils ne mettront à venir qu’autant de temps qu’il leur en faudra pour s’appreſter, & qu’ils s’en viendront fondre icy auec vne furie s’emblable à celle des Autours affamez auſquels on a donné l’eſſort. Voyla tout ce que ie vous puis dire touchant la verité de cette affaire, par laquelle ie vous prie, & vous requiers de nous renuoyer tous deux en nos Hermitages en nous donnant la vie : car ſi vous faiſiez, autrement vous commettriez vn plus grand peché, que celuy qu’hier vous commiſtes. Souuenez-vous außi que Dieu nous a tellement pris ſoubs ſa protection pour la grande penitence que nous faiſons, qu’il nous viſite preſqu’à toutes les heures du iour. Taſchez donc à vous ſauuer tant que vous voudrez, vous aurez bien de la peine d’en venir à bout ; car ie vous aſſeure que la terre, l’air, les vents, les eaux, les gens, les beſtes, les poiſſons, les oyſeaux, les arbres, les plantes, & toutes les choſes crées vous pourſuiuront & vous tourmenteront ſi cruellement, qu’il n’y aura que celuy qui eſt dans le Ciel qui vous puiſſe ſecourir. Par ces paroles Antonio de Faria informé au vray de la verité de cette affaire fit voile en diligence le long de la riuiere, s’arrachant la barbe & s’outrageant le viſage, pour auoir par ſa nonchalance, & par ſon indiſcretion perdu la plus belle occaſſion qu’il euſt iamais ſceu trouuer s’il en fuſt venu à bout.