qui s’aduançoient pres de nous. Là nous fuſmes à peine arriuez, que par ce roulement tout y fut mis en pieces. Alors nous attachant les vns aux autres, criant à haute voix, Seigneur Dieu miſericorde, de vingt-cinq Portugais que nous eſtions, il n’y en euſt que quatorze de ſauuez, tellement que les autres onze furent noyez auec dix-huit valets Chreſtiens, & ſept Mariniers Chinois. Voila combien grand fut ce deſaſtre qui arriua vn Lundy cinquieſme Aouſt, en l’année mil cinq cent quarante deux ; dequoy Dieu ſoit loüé pour iamais.
ovs eſtans eſchappez, de ce naufrage par la miſericorde de Dieu, quatorze Portugais que nous eſtions, nous paſſaſmes toute cette iournée & la nuit ſuiuant à pleurer noſtre deſaſtre, & le miſerable eſtat où nous nous voyons reduits, ſans auoir moyen de nous conſeiller l’vn l’autre, tant à cauſe que ce païs eſtoit rude & fort raboteux, que pour ne trouuer perſonne à qui nous peuſſions demander aucune choſe que ce fuſt. Ayant conſulté là deſſus ſur le remede que nous pouuions auoir durant ce malheur, tant de maux & tant d’infortunes, nous reſoluſmes d’entrer plus avãt dans le païs, pource qu’il y auoit apparence que pres ou loing nous ne pouuions manquer de trouuer quelqu’vn, qui nous prenant pour eſclaues nous donneroit à manger, en attendant qu’il pluſt à Dieu terminer nos trauaux par la fin de nos vies. Auec cette reſolutiõ nous fiſmes quelque ſix ou ſept lieuës par des rochers, & deſcouuriſmes de l’autre coſté vn mareſcage auſſi large que noſtre veuë ſe pouuoit eſtendre, ſans que par de là il y eut apparence de terre ; cela fut cauſe que nous fuſmes cõtraints de rebrouſſer chemin, & de nous en retourner au meſ-