Aller au contenu

Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
Voyages Aduentureux

ſentiment du bon gré que nous luy en ſçauions, que les larmes luy en vinrent aux yeux. A l’heure meſme ayant fait venir vn medecin, il luy dit qu’il prit le ſoin de nous bien panſer, pour ce que nous eſtions de pauures gens, qui n’auions autre bien que celuy que la maiſon nous faiſoit. Cela fait il prit nos noms par eſcrit, & les mit dans vn grand liure où nous ſignaſmes tous, diſant qu’il eſtoit neceſſaire que cela fuſt, afin de rendre compte de la deſpenſe qu’on feroit pour nous.




Noſtre partement de la ville de Sileyjacau, & des choſes qui nous arriuerent apres que nous en fuſmes partis.


Chapitre LXXXII.



Ayant paſſé dix-huit iours dans cét Hoſpital, où nous eûmes à ſuffiſance tout ce qui nous eſtoit neceſſaire, à la fin Dieu nous fit la grace de recouurer noſtre ſanté. De maniere que nous ſentans aſſez forts pour marcher, nous partiſmes de là pour nous en aller en vn lieu nommé Suzoangance, qui n’eſtoit eſloigné de cét Hoſpital que de cinq lieuës, & y arriuaſmes à Soleil couché. Or d’autant que nous eſtions fort laſſez, nous nous aſſiſmes ſur le bord d’vne fontaine, qui eſtoit à l’entrée de ce village où nous fuſmes quelque temps tous confus & incertains quel chemin il nous falloit faire. Cependant, ceux qui s’en venoient querir de l’eau nous voyant ainſi aſſis & en ſi mauuais équipage, s’en retournoient leurs cruches vuides, & s’en alloient en aduertir les habitans, dont la pluſpart s’en vindrent incontinent vers nous. Alors bien eſtonnez de cette nouueauté, pource qu’ils n’auoient iamais veu des hommes faits comme nous, ils ſe ramaſſerent tous enſemble comme s’ils euſſent voulu conſulter là deſſus, & apres auoir vn aſſez long-temps debattu les vns auec les autres, comme s’il y euſt eu entre eux diuerſité d’opinions,