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Voyages Aduentureux

ſi nous y euſſions demeuré encore vn iour, aſſeurément nous en fuſſions morts. Ainſi nous partiſmes de ce lieu preſqu’à Soleil couché, fort affligés, à cauſe du mauuais traittement qu’on nous auoit fait, d’où nous continuaſmes noſtre voyage ne ceſſant de pleurer noſtre infortune.




Comment nous arriuaſmes au Chaſteau d’un Gentil-homme qui eſtoit fort malade, & des choſes qui s’y paſſerent.


Chapitre LXXXIII.



Comme nous fuſmes partis de ce lieu de Xianguulée, nous arriuaſmes à vn village où il n’y auoit que de fort pauure gens. Là nous rencontraſmes trois hommes qui pilloient le lin, leſquels nous voyant d’abord quitterent là tout leur trauail, & s’enfuirent à la haſte dans vn bois de ſapins qui ſe voyoit deſſus vne butte. Là ils ſe mirent à crier aux paſſans qu’il euſſent à ſe deſtourner de nous, que nous eſtions des voleurs, cela fit que d’apprehenſion d’encourir la meſme peine que nous auions n’aguere ſoufferte, nous partiſmes incontinent de ce lieu, combien qu’il fuſt preſque nuit, & continuaſmes noſtre voyage ſans ſçauoir où nous allions, ainſi fort deſolez & fort triſtes comme gens qui n’auions aucune connoiſſance des chemins, durant la pluye & obſcurité ; nous arriuaſmes à vn port où l’on ſerroit du beſtail, & y paſſaſmes la nuit deſſus vn peu de fumier. Le lendemain, ſi toſt qu’il fut iour nous regagnaſmes le chemin que nous auions laiſſé, & enuiron le Soleil couché nous deſcouuriſmes du haut d’vne butte, vne grande pleine remplie d’arbres. Au milieu de cette pleine ſe voyoit prés d’vne riuiere vne fort belle maison, enuironnée de pluſieurs tours auec quantité de giroüettes dorées. Nous eſtant approchez de ce baſtiment, ayant touſiours en la bouche le nom de Iesvs, nous allaſmes nous repoſer ſur le bord d’vne fontaine qui eſtoit à l’entrée d’vne baſſe-court, là nous paſſaſmes vne bonne partie de la iournée,