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Voyages Aduentureux

quantité de beaux bleds : de là nous arriuaſmes à vne montagne nommée Vangaleu, habitée par des Iuifs qui ſont fort blancs & de belle taille : mais grandement incommodez, à ce que nous en pûmes recognoiſtre alors par leur equipage. Deux iours & demy apres nous arriuaſmes en vn bon bourg nommé Fumbau, eſloigné de deux lieuës ſeulement de la fortereſſe de Gileytor, là nous trouuaſmes Barboſa, enſemble les quarante Portugais ſuſdits, qui nous receurent auec de grands teſmoignages de ioye ; ce que neantmoins ils ne pûrent faire ſans reſpandre des larmes en abondance : car bien qu’ils y fuſſent fort à leur aiſe, & maiſtres abſolus de tour le païs comme ils diſoient, ſi eſt-ce qu’ils ne s’imaginoient aucunement que ce lieu fuſt destiné pour les exilez. Choſe qui leur ſembloit fort eſloignée de l’extreme contentement qui leur fuſt arriué, s’ils euſſent eſté en leurs païs.

Mais pource que lors de noſtre arriuée il eſtoit nuict, & que nous auions beſoin de donner au repos ce peu de temps qui nous reſtoit, Barboſa fut d’aduis que nous ne veiſſions point la mere du Prince iuſques au lendemain matin, qui eſtoit vn Dimanche 4. d’Octobre, ainſi la nuict s’eſtant eſcoulée, & le iour venu, apres nous eſtre bien deſlaſſez, accompagnez que nous eſtions de Barboſa, & de ſes 40. Portugais, nous allaſmes droit au Palais de la Princeſſe, que nous trouuaſmes en eſtat d’ouyr la Meſſe dans ſa Chapelle : eſtant aduertie de noſtre arriuée, elle nous fit entrer auſſi toſt ; Alors nous nous meiſmes tous quatre à genoux deuant elle, & auec toute ſorte d’humilité nous luy baisâmes l’eſuentail qu’elle tenoit en ſa main. À ces ſubmiſſions nous adiouſtâmes pluſieurs autres ceremonies à leur mode, conformément à l’aduis que nous en auoient donné les Portugais qui nous y conduiſoient. Elle nous receut à meſme temps auec vn viſage riant, & pour nous teſmoigner l’extreme plaiſir qu’elle prenoit à nous voir ; Certainement, nous dit elle, vous ne ſçauriez croire combien m’eſt agreable la venuë de vous autres vrais Chreſtiens ; car auec ce qu’elle a touſiours eſté deſirée de moy, mes yeux la deſirent encore à toute heure, tout ainſi qu’on voit vn beau iardin eſmaillé de fleurs attendre apres