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de Fernand Mendez Pinto.

ou Terrades, de l’autre coſté, qui ſont des noms des vaiſſeaux de ce païs-là. D’abord nous leur donnaſmes la chaſſe, & les gaignaſmes à la voile & à la rame, pource que le vent s’abaiſſant, la mer ſe calmoit. De ſorte que nous nous obſtinaſmes si fort à les pourſuiure, qu’en moins de deux heures les ayans attaints de fort prés, nous euſmes moyen de diſcerner toutes leurs rames : Ce qui nous fit voir au vray que c’eſtoient des Galiottes Turques. Les ayant recognuës, nous priſmes la fuite auſſi toſt, & tournaſmes voile vers la terre, le plus à la haſte que nous peuſmes, pour nous eſchapper d’vn si grand danger qui nous menaçoit. Il ne tint pas à nous que noſtre fuitte ne fuſt auſſi grande qu’il nous fuſt poſſible : Mais ſoit que les Turcs ſoupçonnaſſent noſtre deſſein, ou qu’ils le reconnuſſent, tant y a qu’auec vn grand bruit & des hurlemens à leur mode, en moins d’vn quart d’heure ils ſe meirent tous à la voile contre nous, ſuiuant noſtre route auec leurs voiles eſcartelées de pluſieurs couleurs, enſemble leurs banderoles de ſoye. Et dautant qu’ils auoient le vent fauorable, ils s’en vinrent fondre ſur nous, ayant gaigné le deſſus du vent, tellement que nous ayant approchez à la portée d’vn bien petit fauconneau, ils tirerent contre nous toute leur artillerie, auec laquelle ils tuerent neuf de nos hommes, & en bleſſerent 26. ce qui fut cause que nos Fuſtes en demeurerent toutes rompuës, & qu’vne bonne partie de noſtre équipage fuſt ietté dans la mer. Cependant au fort de noſtre malheur, les Turcs ne perdirent point de temps, & nous ſceurent ioindre de ſi prés, que de leur pouppe ils nous bleſſoient aiſement auec le fer de leurs lances. Or pource qu’il eſtoit encore reſté dans nos Fuſtes quarante deux bons soldats, qui pour n’auoir eſté bleſſez, pouuoient encore vaillamment combattre, ceux-cy reconnoiſſans que de leur valeur, & de la force de leurs bras dépendoit la conſeruation de leur vie, delibererent de ſe deffendre. Auec cette resolution ils attaquerent courageuſement le Capitaine de ces trois Galiottes, dans l’vne deſquelles eſtoit Solyman Dragut, General de cette flotte. Leur abord fut ſi furieux, qu’ils l’aſſaillirent de pouppe à prouë, & y meirent à mort vingt-ſept Ianniſſaires. Toutesfois comme elle fut ſecouruë des deux autres Galiottes, qui eſtoient demeurées vn peu en