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Voyages Aduventureux

mandement du Bachat. Ce meſme Fernand de Morais n’euſt pas ſi toſt reconneu noſtre Nauire, qu’il requiſt à noſtre Capitaine que de vingt hommes qu’il auoit auec luy, il euſt à luy en bailler quinze, pour ſubuenir au grand beſoin qu’il auoit de gens, à cauſe que le Viceroy l’auoit fait embarquer trop promptement, & qu’il importoit que cela ſe fiſt ainſi pour le ſeruice de Dieu, & de ſon Alteſſe. Apres pluſieurs conteſtations de part & d’autre qui ſe firent ſur ce ſuiet, & que ie paſſeray ſous ſilence pour abbreger ce diſcours ; à la fin ils demeurerent d’accord que noſtre Capitaine donneroit douze hommes des quinze que Fernand de Morais luy demandoit, & dont il ſe contenta. De ceux-cy i’en fus vn du nombre, pour eſtre touſiours des plus reiettez. Le Nauire eſtant party pour aller à Goa, Fernand de Morais auec ſes trois Fuſtes continua ſon voyage, & priſt la route du port de Dabul. Là nous arriuaſmes le iour ſuiuant, à neuf heures du matin, & y priſmes vne Patache de Malabar, qui chargée de coton & de poivre, eſtoit à l’ancre au milieu du port. L’ayant priſe nous fiſmes mettre aux tourmens le Capitaine & le Pilote, qui nous confeſſerent incontinent que peu de iours auparavant il eſtoit venu exprés en ce port vn Nauire du Bachat, afin d’y charger des viures, & que dedans ce vaiſſeau eſtoit vn Ambaſſadeur, qui auoit apporté à Hidalcan vne fort riche Cabaya, veſtement des Gentilshommes de ce païs, laquelle il n’auoit voulu accepter, pour n’eſtre par ce moyen ſuiet au Turc ; à cauſe que c’eſt la couſtume des Mahumetans, de ne point faire cette ſorte d’honneur, ſi ce n’eſt du Seigneur au Vassal ; qu’au reſte ce refus auoit tellement faſché l’Ambaſſadeur, qu’il s’en eſtoit retourné ſans prendre aucune ſorte de prouiſions de viures, & qu’Hidalcan auoit fait reſponſe, qu’il eſtimoit bien plus que ſon amitié, pleine de tromperies, celle du Roy de Portugal, comme ayant vſurpé ſur luy la ville de Goa, apres luy auoir fait offre de l’ayder de ſa faueur & de ſes forces à la reprendre. Enſuitte de ces diſcours il fut dit, qu’il n’y auoit ſeulement que deux iours que le vaiſſeau dont ils parloient eſtoit party du port, & que le Capitaine de ce Nauire, qui ſe nom-