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Voyages Aduentureux

le Naudelum qui eſtoit celuy qui nous conduiſoit par l’expres commandement du Roy, s’y arreſta douze iours durant pour y faire ſon commerce en eſchange d’argent & de perles. À quoy il nous confeſſa d’auoir gaigné quatorze pour vn, & que s’il eut eſté ſi auiſé que d’y conduire du ſel, il euſt doublé ſon argent plus de trente fois. L’on nous aſſeura qu’en cette ville, des ſeules minieres d’argent le Roy auoit de rente mille & cinq cens Picos, qui ſont quatre mille quintaux de noſtre poids, ſans y cõprendre les grands reuenus qu’il tiroit de pluſieurs autres choſes differentes. Cette ville n’a pour toutes fortifications qu’vne foible muraille de brique, de huit empans de long, & vn foſſé de ſix brasses de large, & de ſept empans de fonds. Les habitans ſont foibles & deſarmez, qui n’ont ny artillerie, ny choſe quelconque pour leur deſense, qui puſt empeſcher que cinq cens ſoldats bien reſolus ne la priſſent. Nous partiſmes de ce lieu vn Mardy matin, & continuaſmes touſiours noſtre route plus de treize iours, à la fin deſquels nous gagnaſmes le port de Sanchan au Royaume de la Chine, qui eſt l’Iſle où mourut depuis le bien heureux Pere S. François Xauier, comme ie diray ſi après. Or d’autant qu’il n’y auoit là aucuns vaiſſeaux de Malaca, pour en eſtre partis depuis neuf iours, nous nous en allaſmes 7. lieuës plus auant en vn autre port nommé Lampacau, où nous trouuaſmes 2. Iuncos de Malaye, vn de Patane, & l’autre de Lugore ; & d’autant que nous autres Portugais tenons cela de noſtre nation d’abonder en noſtre ſens, & de tenir fermement nos opinions, il y eut entre 8. que nous eſtions vne ſi grande contrarieté d’aduis ſur vne choſe en laquelle rien ne nous eſtoit ſi neceſſaire que de nous maintenir en paix & en vniõ, que nous fuſmes preſque ſur le point de nous entretuer. Mais pource que le fait ſeroit aſſez honteux à raconter de la façon qu’il ſe paſſa, ie n’en diray autre choſe, ſinon que le Necoda de la Lorche qui nous auoit conduits d’Vzanguée, eſtonné d’vne ſi grande barbarie que la noſtre, ſe ſepara d’auec nous fort faſché, & ſans vouloir ſe charger ny de nos meſſages, ny de nos lettres, diſant, qu’il aymoit beaucoup mieux que le Roy luy fiſt trancher la tesſte, qu’offencer Dieu en apportant auec luy,