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de Fernand Mendez Pinto.




Du grand honneur que le Nautaquin fit à l’vn des noſtres, pour l’auoir veu tirer d’une harquebuze, & de ce qui en arriua.


Chapitre CXXXIV.



Le iour ſuiuant le Necoda Chinois deſambarqua toute ſa marchandiſe, comme le Nautaquin luy auoit enjoint, & la mit en de fort bonnes chambres, qui pour cet effet luy furent données. Il la vendit toute dans trois iours, tant pour n’en auoir que fort peu, qu’à cauſe que par vn grand bonheur pour luy il ſe trouua que le pays en eſtoit dépourueu pour lors. Auſſi ce Corsaire y profita tellement, que par cette vente il ſe remit tout à fait de la perte de vingt-ſix voiles que les Chinois luy auoient priſes ; car on luy accordoit auſſitoſt le prix qu’il en demandoit, de maniere qu’il nous confeſſa que de la valeur de deux mille & cinq cens Taels qu’il pouuoit auoir de bien, il en auoit tiré plus de trente mille ; et pour le regard de nous autres trois Portugais, comme nous n’auions aucune Marchandiſe pour nous occuper à la vendre, nous employons le temps à peſcher, à nous en aller à la chaſſe, & à voir les Temples de ces Gentils, qui eſtoient fort majeſtueux & fort riches, dans lesquels les Bonzes qui ſont leurs Preſtres, nous receuoient fort courtoiſement ; auſſi eſt ce la couſtume de ceux du Iappon d’eſtre naturellement fort courtois & de bonne compagnie. Ainſi comme nous ne ſçauions à quoy nous occuper, vn des trois que nous eſtions appellé Diego Zeimoto, s’en alloit quelquesfois tirer par plaiſir d’vne harquebuze qu’il auoit ; à quoy il eſtoit fort adroit, tellement que luy eſtant arriué vn iour de s’en aller à vn mareſcage où il auoit grande quantité d’oyſeaux de toute ſorte, il tua à cette fois quelques vingt-ſix canettes. Cependant ces peuples voyant cette façon de tirer qu’ils n’auoient point encore veuë en eſtoient fort eſtonnez, ſi bien que cela vint