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de Fernand Mendez Pinto.

vn Bonze appellé Teixeandono, hõme de grande reputation parmy eux, & qui demeuroit pour lors en la ville de Facataa à 70. lieuës de là ; & le Prince bleſſé ne pouuãt ſouffrir tous ces delays ; Ie ne ſçay, leur reſpondit-il, ce que vous voulez dire par le conſeil que vous donnez à mon pere, me voyant au deplorable eſtat où ie ſuis : car là où ie deurois deſia eſtre panſé, afin de ne perdre plus de ſang, vous voulez que i’attende apres vn vieillard tout pourry, qui ne peut eſtre icy qu’on n’ait fait 140. lieuës, tant pour aller que pour reuenir, de maniere qu’auparauant qu’il ſoit arriué il y aura vn mois d’eſcoulé. Ne me parlez donc plus de cela, & ſi vous me voulez faire plaiſir, relaſchez vn peu cet eſtranger, le raſſeurant de la peur que vous luy auez faite : par meſme moyen qu’on me faſſe ſortir de ceans toute cette foule. Celuy que vous croyez m’auoir bleſſé, me guerira comme il pourra. Car i’ayme bien mieux mourir de la main de ce pauure infortuné, qui a tant pleuré pour moy, qu’eſtre touché par le Bonze de Facataa, qui en l’aage qu’il a de 92. ans, ne voit pas plus loing que ſon nez.




Du ſurplus qui ſe paſſa en la gueriſon du ieune Prince de Bungo, enſemble de mon embarquement pour m’en aller en l’Iſle de Tanixumaa à Liampoo.


Chapitre CXXXVII.



Le Roy de Bungo ſe trouuant alors extremement affligé, & comme paſmé de voir le deſaſtre de ſon fils, ſe tourna vers moy, & me regardant auec vn viſage fort doux : Eſtranger, me dit-il, voy ie te prie ſi tu peux aſſiſter mon fils en ce peril de ſa vie, car ie te iure que ſi tu le fais ie ne t’eſtimeray pas moins que luy-meſme, & te donneray tout ce que tu me demanderas. À cela ie reſpondis au Roy, que ie ſuppliois ſa Majesté de faire ſortir ces gens là, pource que le grand bruit qu’ils faiſoient me donnoit l’alarme, & que ie