Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/534

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
516
Voyages Aduentureux

verrois alors ſi les bleſſeures eſtoient dãgereuſes ; qu’au reſte ſi ie me croyois capable de les guerir, ie le ferois tres-volontiers. Le Roy commanda tout auſſi toſt qu’vn chacun euſt à ſortir, & alors m’eſtãt approché du ieune Prince, i’apperceu qu’il n’auoit que deux bleſſeures, l’vne au haut du front qui n’eſtoit pas autremẽt dangereuſe, & l’autre en la main droite, à ſçauoir au poulce, qui n’eſtoit pas tout à fait couppé. Alors noſtre Seigneur me donnant vn nouueau courage, qui me fut comme inſpiré d’enhaut. Ie dis au Roy qu’il ne s’attriſtaſt point, & que i’eſperois qu’en moins d’vn mois ie luy rendrois ſon fils en vne parfaite ſanté. L’ayant ainsi raſſeuré, ie me mis à faire des appareils pour panſer le Prince. Mais durant ces choſes le Roy fut grandement tanſé par les Bonzes, qui luy dirent, qu’aſſeurémẽt ſon fils mourroit cette nuit, & qu’ainſi il ſeroit bien mieux de m’enuoyer trancher la teſte, que de permettre que ie tuaſſe tout à fait le Prince, adjouſtant, que ſi telle choſe aduenoit, comme il y en auoit des apparences bien grãdes, auec ce que cette mort le diffameroit, tous ſes ſubjets l’en eſtimeroient beaucoup moins. À ces paroles des Bonzes le Roy fiſt reſponse, qu’il voyoit bien qu’ils ne manquoient pas de raiſon en ce qu’ils diſoient, & que cela eſtant il les prioit de luy dire de quelle façon il s’y deuoit gouuerner. Il faut, repartirent-ils, que vous attendiez que le Bonze Teixeandono ſoit venu, & que vous ne ſuiuiez point d’autre aduis que celuy là ; car nous vous aſſeurons que pour eſtre plus ſainct que tous les autres, il n’aura pas pluſtoſt mis la main ſur luy, qu’il le guérira cõme il en a deſia guery pluſieurs, dequoy nous ſommes teſmoins. Comme le Roy eſtoit déſia reſolu de ſuiure le maudit conseil de ce ſeruiteur du diable, le Prince commença de ſe plaindre que ſes playes luy faiſoient grãd mal, & qu’en tout cas on luy apportaſt tel remede qu’on voudroit, pource qu’il n’en pouuoit ſouffrir les douleurs. Là deſſus le Roy priſt derechef les aduis de ceux qui eſtoiẽt auec luy, & les pria que veu d’vn coſté le differẽt aduis des Bonzes, & de l’autre l’extréme danger que ſon fils couroit de ſa vie, enſemble le mal qu’il ſentoit, ils euſſent à le conſeiller touchant ce qu’il