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Voyages Aduentureux

xumaa, que le Corſaire Chinois auec qui nous eſtions là venus, faiſoit ſes preparatifs pour s’en aller à la Chine en aduertir le Roy de Bungo, ie luy demãday permission de m’en retourner ; ce qu’il m’octroya tres-volõtiers, & me remercia fort courtoiſement de la gueriſon que i’auois donnée à ſon fils. En ſuite de cela il me fiſt équipper vne Funce de rame, pourueuë de toutes les choſes neceſſaires, où cõmandoit vn homme de qualité, qui auoit ſous luy 20. ſeruiteurs du Roy, auec leſquels ie partis vn Samedy matin de cette ville de Fucheo, & le Vendredy ſuiuãt à Soleil couché i’arriuay à Tanixumaa, où ie retreuuay mes deux cõpagnons qui me receurent auec beaucoup d’allegreſſe. Là nous demeuraſmes encore 15. iours, durant leſquels le Iunco acheua de ſe preparer tout à fait, & ainſi nous fiſmes voile à Liãpoo, qui eſt vn port de mer du Royaume de la Chine, dont i’ay parlé cy-deuant aſſez amplement, & où en ce tẽps-là les Portugais faiſoient leur commerce. Ayant bien continué noſtre route, il plût à Dieu que nous y arriuaſmes à bon port, & n’est pas à croire combien grand fut l’accueil que les habitans du lieu nous y firent. Néantmoins pource qu’ils tenoient tous pour vne grande nouucauté, de voir cõme nous eſtions ainſi ſouſmis volontairement à la mauuaiſe foy des Chinois, ils nous demanderent de quel païs nous venions, & en quel lieu nous nous eſtiõs embarquez auec eux ? Sur quoy nous leur declaraſmes librement ce qui eſtoit de la verité, & leur rendiſmes compte de noſtre voyage, ensemble de la nouuelle terre du Iappon que nous auions deſcouuerte, cõme auſſi de la grande abondance d’argent qu’il y auoit, & du grãd profit qu’on y pouuoit faire, en y apportant des marchãdiſes de la Chine ; dequoy ils furent tous grãdement contents, & ordonnerent incõtinent vne deuote Proceſſion pour remercier Dieu d’vne ſi grande grace. Cette Proceſſion ſe fiſt depuis l’Egliſe de Noſtre Dame de la Cõception, iuſques à celle de S. Iacques qui eſtoit au bout de la ville, & là meſme on y diſt la Meſſe & la Predication. Vne œuure si ſainte & ſi deuote eſtãt acheuée, l’ambition cõmença tout auſſi toſt de ſaiſir de telle ſorte les cœurs de la pluſpart des habitãs, chacun deſquels vou-