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de Fernand Mendez Pinto.

auoit à faire en cette angoiſſe, en laquelle il manquoit de reſolution. Il n’y euſt celuy de la compagnie qui ne reſpondiſt alors, qu’il valoit beaucoup mieux le panſer preſentement, qu’attendre le temps que diſoient les Bonzes. Ce conſeil ayant eſté appreuué par le Roy, comme le meilleur de tous, il en remercia ceux qui le luy auoient donné, de ſorte que s’en eſtãt reuenu à moy, il me fiſt derechef pluſieurs careſſes, & me promiſt de me combler de grands biens ſi ie luy gueriſſois ſon fils. À quoy ie luy reſpondis les larmes aux yeux, que ie le ferois aydant Dieu, & y employerois tout le ſoin que ie pourrois, comme luy-meſme en ſeroit teſmoin. Ainſi me recommandant à Dieu, & me remettant (comme l’on dit) moy-meſme le cœur au vẽtre, pource que ie voyois bien que ie ne pouuois me ſauuer autrement que par ce moyen, & qu’en cas que ie n’en vinſſe à bout l’on me trancheroit la teſte, ie preparay tout ce qui me sẽbla neceſſaire pour cette guerison. Or dautant que la bleſſeure de la main droite me ſembloit moins dangereuſe, ie commençay par celle-cy à laquelle ie fis ſept points, & poſſible que ſi vn Chirurgien l’euſt panſée il en euſt donné beaucoup moins. Mais quãt à celle de la teſte ie ne luy en fis que 5. pour eſtre beaucoup plus petite que l’autre. Apres cela i’appliquay des eſtoupes trẽpées en des blancs d’œufs auec de bonnes ligatures, cõme i’auois veu faire aux Indes. Cinq iours apres ie coupay les points, & continuay de panſer ainſi le bleſſé, iuſqu’à ce que 20. iours apres il plût à Dieu qu’il fût entièrement guery, ſans que de tout ce mal il luy restât qu’vne bien petite incõmodité au poulce. Ce qui fut cauſe que depuis ce temps là le Roy & tous ſes Seigneurs, me firent beaucoup d’hõneurs & de careſſes, joint que la Reyne & les Princeſſes ſes filles me donnèrent quãtité d’habillemens de ſoye, & les principaux de la Cour des éuantaux & des cymeterres. Auec cela, le Roy me fit preſent de 600. Taels, ſi bien que de cette façon ie receus de recompenſe de cette mienne cure, plus de 1500. ducats que i’emportay de ce lieu. Apres que ces choſes ſe furẽt ainſi paſſées, ayant eu auis par les lettres que m’enuoverẽt deux Portugais qui eſtoient demeurez a Tani-