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Voyages Aduventureux

né, aßis au Throſne eſpouuentable de la Mer, par le pouuoir incroyable du ſoufflement de tous les vents, Prince riche & puiſſant du grand Portugal, ton Maiſtre & le mien, auquel en toy Pedro de Faria, Baron de la Colonne d’Acier, i’obeys nouuellement par vne ſincere & veritable amitié, afin que déſormais ie me rende ſon ſuiet, auec toute l’affection & la pureté qu’vn vaſſal eſt obligé de teſmoigner à ſon Maiſtre, moy Angeeſsiry, Timorraja, Roy des Batas, deſirant de m’inſinuer en ton amitié, afin que tes ſujets s’enrichiſſent des fruicts de ce mien païs, ie m’offre par vn nouueau traitté à remplir les magazins de ton Roy, qui eſt le mien, d’or, de poivre, de camfre, de benjoin, & d’aloy, à condition qu’auec vne entiere confiance tu m’enuoyeras vn ſauf-conduit, eſcript & ſigné de ta propre main, par le moyen duquel tous mes Lanchares, & Iurupanges, puiſſent nauiger en ſeureté. Davantage, en faueur de cette nouuelle amitié, ie te ſupplie derechef que tu me ſecoures des balles à canon, & des poudres que tu as de trop dans tes magazins, & qui te ſont inutiles par conſequent ; car ie n’eus iamais ſi grand beſoin que i’ay maintenant de toute ſorte de munitions de guerre. Cela eſtant, ie te ſeray grandement redeuable, ſi par ton moyen ie puis vne fois chaſtier ces pariures Achems, ennemis mortels de ton ancienne Malaca, auec leſquels ie te iure que ie n’auray iamais de paix tant que ie viuray, iuſques à ce que i’aye tiré raiſon du ſang de mes trois enfans qui m’en demande la vengeance, & qu’auec cela i’aye ſatisfaict aux larmes que ie voy couler des yeux de leur noble Mere, qui les ayant alaittez, & eſleuez, m’ont eſté tuez depuis par ce cruel Tyran Achem, dans les Villes de Iacur & de Lingau. Dequoy t’entretiendra plus particulierement de ma part Aquaram Dabolay, frere de la deſolée Mere de ces enfans, que ie t’enuoye pour confirmation de noſtre nouuelle amitié, afin, Seigneur, qu’il puiſſe traitter auec toy de tout ce que bon te ſemblera, tant pour le ſeruice de Dieu, que pour le bien de ton peuple. De Panaju, le 5. iour de la 8. Lune.

Cét Ambaſſadeur receut de Pedro Faria tous les honneurs qu’il luy pût faire à leur mode ; & incontinent apres qu’il luy euſt baillé la lettre, elle fut traduite en Portugais de la langue Malaya, en laquelle elle eſtoit eſcritte. Apres cela, cét Ambaſſadeur luy fit dire par son Interprete le ſuiet du diſcord qu’il y auoit entre ce Tyran Achem, & le Roy des