Page:Les voyages au théâtre par A. D'Ennery et Jules Verne.djvu/286

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retrouver ensemble !… Père ! regarde, ils sont arrivés et nous allons partir avec eux !… Dépêche-toi, père, dépêche-toi !… Le navire est là !… Il va nous ramener dans notre chère patrie !… (Se relevant et cherchant.) Père, où es-tu ? où es-tu donc ?… Le navire nous attend !… Ah ! ciel… il va s’éloigner, il lève l’ancre !… arrêtez !… arrêtez !  !… arrêtez !  !  !… Il part, il part, sans nous !… Il disparaît là-bas… là-bas !… Et la banquise qui se ferme !… et la mort, la mort qui vient !…

(Il tombe épuisé.)


Scène III

JAMES, BURCK.
(Burck est entré par la gauche. Il est vêtu de peaux. Une gourde est à son côté. Une hache est dans sa main. Sa barbe est inculte. Il a l’air d’une bête fauve. Il parcourt la scène, sans voir l’enfant.)
BURCK.

C’est lui… là-bas !… Le voilà, ce Grant !… (Agitant sa hache.) Ah ! s’il n’était pas mieux armé que je ne le suis !… Patience, la poudre et les balles s’épuisent !… Ah ! tu m’as fait fouetter jusqu’au sang !… Oh ! je me vengerai !… Peut-être ont-ils encore des provisions… il me les faut ! (Apercevant le foyer.) Du feu ! Ils ont du feu, tandis que je crève de froid ! (D’un violent coup de pied, il disperse le foyer.) Viens te chauffer maintenant ! (Fouillant la butte.) Rien ! pas de provisions ! où les cachent-ils ? Ah ! ah ! Une hutte pour eux !… Je ne le veux pas !… (Il arrache les lambeaux de toile que soutiennent les perches, puis les perches qu’il brise.) Est-ce que j’ai un abri pour me protéger ? Ils n’en auront pas plus que moi !… Oui, oui, pille, pille, tue, si tu les rencontres ! (Il parcourt la scène et vient heurter l’enfant du pied.) Le fils ! l’enfant de mon ennemi !… Ah ! comme je vais bien me venger !… Oui, le fils en attendant le père ! (S’approchant de James, la hache levée.) Tiens ! il dort ! Ah ! mais non ! Réveillons-le d’abord ! Je veux qu’il sache que c’est moi qui le tue, moi, qui me serai vengé sur lui de ce que m’a fait Harry Grant !… (Il se courbe sur James.) Je veux voir les contractions de son visage, et entendre son dernier cri de douleur !… Je veux sentir palpiter sa chair, sous l’étreinte de mes doigts, comme a palpité la mienne sous les coups de fouet que m’infligeait son père !… Allons ! réveille-toi !