Page:Les voyages au théâtre par A. D'Ennery et Jules Verne.djvu/288

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JAMES.

Si nous mourons tous les deux, Burck restera seul… sur cet îlot… tout seul… en face de Dieu !

BURCK, ému.

Dieu !… il en parle comme m’en parlait ma mère !… quand j’étais tout petit et malade comme lui !… Mais… qu’est-ce que j’éprouve donc ?… (Prenant l’enfant dans ses bras et le soutenant.) J’ai, cent fois, vu mourir des hommes ! mais ce n’était pas ça… Oh ! non… ce n’était pas ça !

JAMES.

Soutiens-moi ! Non ! à genoux ! Mets-moi à genoux pour que je fasse ma dernière prière !

BURCK.

À genoux !… sa… sa dernière prière !… Allons, est-ce que je vais pleurer, à présent ? (En mettant l’enfant à genoux, il s’y met lui-même.) Eh bien… oui… voilà que je pleure… je pleure !…

JAMES.

Répète avec moi : Mon Dieu, pardonnez-nous nos offenses…

BURCK, pleurant.

Oh ! non !

JAMES.

Mais répète donc !… Je n’entends pas !… Mon Dieu !…

BURCK, hésitant.

Mon… mon Dieu…

JAMES.

Pardonnez-nous nos offenses !…

BURCK.

Pardonnez-nous nos offenses…

JAMES.

Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés !…

BURCK.

Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés !…

(James retombe épuisé.)

BURCK.

Sa main est glacée… Évanoui ! (Éclatant.) Ah ! mille millions, je ne veux, pas qu’il meure !… je ne le veux pas !… Il faut le sauver… il faut le sauver !… Que faire !… C’est de froid, d’épuisement qu’il se meurt !… De l’eau-de-vie… Je la leur avais volée !… Je peux lui en rendre un peu !… (Il prend sa gourde, il entr’ouvre les lèvres de James et lui fait boire quelques gouttes.) Voilà que ses joues sont moins pâles !