Page:Les voyages au théâtre par A. D'Ennery et Jules Verne.djvu/303

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JOLLIVET.

Elles sont charmantes, monsieur le gouverneur !… C’est ce que me disait à l’instant mon excellent confrère et ami M. Blount.

BLOUNT.

Confrère, oui… Ami, non.

LE GOUVERNEUR, riant.

Il y a là quelques jolies filles qui feront fortune !… (Il passe vers la gauche, après avoir pris le bras du général Kissoff.)

JOLLIVET.

Dites donc, monsieur Blount, il a l’air bien joyeux, monsieur le gouverneur ! Il faut qu’il soit terriblement inquiet !… Qu’en pensez-vous, monsieur Blount ?…

BLOUNT, sèchement.

Ce que je pensai ne regardait pas vous ! (Ils se séparent et se mêlent aux derniers groupes.)

LE GOUVERNEUR, au général.

Parle-t-on du soulèvement tartare, général ?

LE GÉNÉRAL.

Oui, et peut-être plus qu’il me conviendrait ! Je ne serais pas étonné qu’au sortir du bal ces deux reporters n’allassent exercer leur métier de chroniqueurs de l’autre côté de la frontière.

LE GOUVERNEUR.

Ils connaissent, sans aucun doute, cette grave nouvelle d’un soulèvement qui jette une moitié de l’Asie sur l’autre ! — Le fil fonctionne toujours entre Moscou et Irkoutsk ?

LE GÉNÉRAL.

Oui ! Votre Excellence peut le réquisitionner pour le compte du gouvernement et l’interdire au public.

LE GOUVERNEUR.

C’est inutile. L’important était que le Grand-Duc, en ce moment à Irkoutsk, fût averti. Il sait que Féofar-Khan, l’émir de Bouckhara, a soulevé les populations tartares ; qu’à sa voix elles ont envahi la Sibérie ; mais il sait aussi, par notre dernier télégramme, que nos troupes des provinces du Nord sont maintenant parties pour le secourir. Il sait le jour exact où cette armée arrivera en vue d’Irkoutsk, et où il devra faire une sortie générale pour écraser les Tartares !

LE GÉNÉRAL.

Nos troupes auront facilement raison de ces hordes sauvages !