Page:Les voyages au théâtre par A. D'Ennery et Jules Verne.djvu/393

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NADIA.

Espérons encore !… Ces Tartares vont partir… Cette nuit, quand on ne pourra plus nous voir, nous chercherons le moyen de descendre le fleuve… et tu pourras, avant demain, entrer dans la ville !… Essaye de prendre un peu de repos en attendant !

(Elle le conduit au pied d’un arbre.)

STROGOFF.

Me reposer… et toi… pauvre Nadia, n’es-tu pas plus brisée par la fatigue que je ne le suis moi-même ?

NADIA.

Non… non… Je suis forte… tandis que toi, cette blessure que tu as reçue, cette fièvre qui te dévore !…

(Strogoff s’asseoit au pied de l’arbre.)

STROGOFF.

Ah ! qu’importe, Nadia, qu’importe ! Que j’arrive à temps auprès du Grand-Duc et je n’aurais plus rien à vous demander, mon Dieu, si ma mère existait encore !

NADIA.

Devant son fils que ces barbares allaient martyriser, elle est tombée… inanimée !… Mais qui te dit que la vie s’était brisée en elle ?… Qui te dit qu’elle était morte ?… Frère… je crois que tu la reverras… (Se reprenant et le regardant avec douleur.) Je crois, frère, que tu la presseras encore dans tes bras… et qu’elle couvrira de baisers et de larmes ces pauvres yeux où la lumière s’est éteinte !

STROGOFF.

Quand j’ai posé mes lèvres sur son front, je l’ai senti glacé !… Quand j’ai interrogé son cœur, il n’a pas battu sous ma main !… (Marfa, qui a reparu, s’est approchée lentement de son fils.) Hélas ! ma mère est morte !

NADIA, apercevant Marfa.

Ah !

STROGOFF.

Qu’est-ce donc ? qu’as-tu, Nadia ?

MARFA.

Rien ! rien !

(Marfa, qui s’est agenouillée, fait signe à Nadia, ptête à se trainer, de garder le silence ; puis prenant une des mains de son fils, elle la porte en pleurant à ses lèvres. Strogoff, qui a étendu l’autre bras, s’est assuré que Nadia est bien à sa droite.)

STROGOFF.

Oh !… Nadia !… Nadia !… ces baisers, ces larmes !… les sanglots que j’entends !… Ah ! c’est elle… c’est elle, c’est ma mère !