Page:Lesage - Œuvres, Didot, 1877.djvu/769

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Ne m'en dites pas davantage. Je suis si touchée, que je pourrais bien vous donner quelque mauvais conseil, et je vous vois si affligée, que vous ne manqueriez pas de le suivre.


Scène XII

Angélique, Valère, Lisette

Valère, à part. Crispin m'a dit de ne point paraître ici de quelques jours, qu'il méditait un stratagème ; mais il ne m'a point expliqué ce que c'est. Je ne puis vivre dans cette incertitude. Lisette. Valère vient. Valère. Je ne me trompe point ; c'est elle-même. Belle Angélique, de grâce, apprenez-moi vous-même ma destinée. Quel sera le fruit... Mais quoi ! vous pleurez l'une et l'autre ! Lisette. Hé, oui, Monsieur, nous pleurons, nous nous désespérons. Votre rival est arrivé. Valère. Qu'est-ce que j'entends ! Lisette. Et dès ce soir, il épousera ma maîtresse. Valère. Juste ciel ! Lisette. Si du moins après son mariage, elle demeurait à Paris, passe encore ; vous pourriez quelquefois tous deux pleurer ensemble vos déplaisirs ; mais pour comble de chagrin, il faudra que vous pleuriez séparément. Valère. J'en mourrai ; mais, Lisette, qui est donc cet heureux rival qui m'enlève ce que j'ai de plus cher au monde ? Lisette. On le nomme Damis. Valère. Damis ! Lisette. C'est un homme de Chartres. Valère. Je connais tout ce pays-là, et je ne sache point qu'il y ait un autre Damis que le fils de Monsieur Orgon. Lisette. Justement, c'est le fils de Monsieur Orgon qui est votre rival. Valère. Ah ! si nous n'avons que ce Damis à craindre, nous devons nous rassurer. Angélique. Que dites-vous, Valère ? Valère. Cessons de nous affliger, charmante Angélique. Damis depuis huit jours s'est marié à Chartres. Lisette. Bon ! Angélique. Vous vous moquez, Valère. Damis est ici qui s'apprête à recevoir ma main. Lisette. Il est en ce moment au logis avec Monsieur et Madame Oronte. Valère. Damis est de mes amis, et il n'y a pas huit jours qu'il m'a écrit, j'ai sa lettre chez moi. Angélique. Que vous mande-t-il ? Valère. Qu'il s'est marié secrètement à Chartres avec une fille de condition. Lisette. Marié secrètement ! oh oh ! approfondissons un peu cette affaire, il me paraît qu'elle en vaut bien la peine. Allez, Monsieur, allez quérir cette lettre, et ne perdez point de temps. Valère. Dans un moment je suis de retour. Lisette. Et nous, ne négligeons point cette nouvelle, je suis fort trompée si nous n'en tirons pas quelque avantage. Elle nous servira du moins à faire suspendre pour quelque temps votre mariage. Je vois venir Monsieur Oronte; pendant que je la lui apprendrai, courez en faire part à Madame votre mère.


Scène XIII

M. Oronte, Lisette

M.Oronte.