Page:Lesage - Œuvres, Didot, 1877.djvu/778

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bien, Messieurs, je vais vous dire la chose tout naturellement. J'ai pris le nom de Damis, pour dégoûter par mon air ridicule Monsieur et Madame Oronte de l'alliance de Monsieur Orgon, et les mettre par là dans une disposition favorable pour mon maître ; mais au lieu de les rebuter par mes manières impertinentes, j'ai eu le malheur de leur plaire, ce n'est pas ma faute, une fois. M.Oronte. Cependant si on t'avait laissé faire, tu aurais poussé la feinte jusqu'à épouser ma fille. Crispin. Non, Monsieur, demandez à La Branche, nous venions ici vous découvrir tout. Valère. Vous ne sauriez donner à votre perfidie des couleurs qui puissent nous éblouir ; puisque Damis est marié, il était inutile que Crispin fît le personnage qu'il a fait. Crispin. Hé bien, Messieurs, puisque vous ne voulez pas nous absoudre comme innocents, faites-nous donc grâce comme à des coupables. Nous implorons votre bonté. Il se met à genoux devant Monsieur Oronte. La Branche, se mettant aussi à genoux. Oui, nous avons recours à votre clémence. Crispin. Franchement la dot nous a tentés. Nous sommes accoutumés à faire des fourberies, pardonnez-nous celle-ci à cause de l'habitude. M.Oronte. Non, non, votre audace ne demeurera point impunie. La Branche. Eh, Monsieur, laissez-vous toucher, nous vous en conjurons par les beaux yeux de Madame Oronte. Crispin. Par la tendresse que vous devez avoir pour une femme si charmante. Mme Oronte. Ces pauvres garçons me font pitié, je demande grâce pour eux. Lisette, bas. Les habiles fripons que voilà ! M. Orgon. Vous êtes bien heureux, pendards, que Madame Oronte intercède pour vous. M.Oronte. J'avais grande envie de vous faire punir, mais puisque ma femme le veut, oublions le passé ; aussi bien je donne aujourd'hui ma fille à Valère, il ne faut songer qu'à se réjouir... Aux valets : on vous pardonne donc ; et même si vous voulez me promettre que vous vous corrigerez, je serai encore assez bon pour me charger de votre fortune. Crispin, se relevant. Oh, Monsieur, nous vous le promettons. La Branche, se relevant. Oui, Monsieur, nous sommes si mortifiés de n'avoir pas réussi dans notre entreprise, que nous renonçons à toutes les fourberies. M.Oronte. Vous avez de l'esprit, mais il en faut faire un meilleur usage, et pour vous rendre honnêtes gens, je veux vous mettre tous deux dans les affaires. J'obtiendrai pour toi La Branche une bonne commission. La Branche. Je vous réponds, Monsieur, de ma bonne volonté. M.Oronte. Et pour le valet de mon gendre, je lui ferai épouser la filleule d'un sous-fermier de mes amis. Crispin. Je tâcherai, Monsieur, de mériter par ma complaisance toutes les bontés du parrain. M.Oronte. Ne demeurons pas ici plus longtemps. Entrons, j'espère que Monsieur Orgon voudra bien honorer de sa présence les noces de ma fille. M. Orgon. J'y veux danser avec Madame Oronte. Monsieur Orgon donne la main à Madame Oronte, et Valère à Angélique.


FIN.