On le voit bien. Les auteurs de profession ne pensent et ne s’expriment pas ainsi : on ne sauroit les soupçonner de les avoir faits.
J’ai voulu voir, par curiosité, si je serois capable d’en composer, et l’amour m’a ouvert l’esprit.
Vous êtes capable de tout, monsieur ; il n’y a rien d’impossible pour vous.
Votre prose, monsieur, mérite aussi des compliments : elle vaut bien votre poésie, au moms.
Il est vrai que ma prose a son mérite ; elle est signée et approuvée par quatre fermiers généraux.
Cette approbation vaut mieux que celle de l’Académie.
Pour moi, je n’approuve point votre prose, monsieur ; et il me prend envie de vous quereller.
D’où vient ?
Avez-vous perdu la raison de m’envoyer un billet au porteur ? Vous faites tous les jours quelque folie comme cela.
Vous vous moquez ?
De combien est-il ce billet ? Je n’ai pas pris garde à la somme, tant j’étois en colère contre vous !
Bon ! il n’est que de dix mille écus.
Comment ! de dix mille écus ? Ah ! si j’avois su cela, je vous l’aurois renvoyé sur-le-champ.
Fi donc !
Mais je vous le renverrai.
Oh ! vous l’avez reçu, vous ne le rendrez point.
Oh ! pour cela, non.
Je suis plus offensée du motif que de la chose même.
Eh ! pourquoi ?
En m’accablant tous les jours de présents, il semble que vous vous imaginiez avoir besoin de ces liens-là pour m’attacher à vous,
Quelle pensée ! Non, madame, ce n’est point dans cette vue que….
Mais vous vous trompez, monsieur ; je ne vous en aime point davantage pour cela.
Qu’elle est franche ! qu’elle est sincère !
Je ne suis sensible qu’à vos empressements, qu’à vos soins.
Quel bon cœur
Qu’au seul plaisir de vous voir.
Elle me charme… (À la baronne.) Adieu, charmante Philis.
Quoi ! vous sortez sitôt ?
Oui, ma reine. Je ne viens ici que pour vous saluer en passant. Je vais à une de nos assemblées, pour m’opposer à la réception d’un pied-plat, d’un homme de rien, qu’on veut faire entrer dans notre compagnie. Je reviendrai dès que je pourrai m’échapper. (il lui baise la main)
Fussiez-vous déjà de retour !
Adieu, monsieur. Je suis votre très-humble servante.
À propos, Marine, il me semble qu’il y a longtemps que je ne t’ai rien donné… (il lui donne une poignée d’argent.) Tiens, je donne sans compter, moi.
Et moi, je reçois de même, monsieur. Oh ! nous sommes tous deux des gens de bonne foi. (M. Turcaret sort.)
Scène VII.
Il s’en va fort satisfait de nous, Marine.
Et nous demeurons fort contentes de lui, ma-