Scène IV.
M. Turcaret, madame, vous prie d’agréer ce petit présent, (À Marine.) Serviteur, Marine.
Tu sois le bien venu. Flamand. J’aime mieux te voir que ce vilain Frontin.
Considère, Marine ; admire le travail de ce petit coffre : as-tu rien vu de plus délicat ?
Ouvrez, ouvrez ; je réserve mon admiration pour le dedans. Le cœur me dit que nous en serons plus charmées que du dehors.
Que vois-je ? un billet au porteur ! L’affaire est sérieuse.
De combien, madame ?
De dix mille écus.
Bon ! voilà la faute du diamant réparée.
Je vois un autre billet
Encore au porteur ?
Non, ce sont des vers que M, Turcaret m’adresse.
Des vers de M. Turcaret !
À Philis… Quatrain… (Interrompant sa lecture.) Je suis la Philis, et il me prie, en vers, de recevoir son billet en prose.
Je suis fort curieuse d’entendre des vers d’un auteur qui envoie de si bonne prose.
Les voici ; écoute : (Elle lit.)
« Recevez ce billet, charmante Philis,
» Et soyez assurée que mon âme
» Conservera toujours une éternelle flamme.
» Comme il est certain que trois et trois font six. »
Que cela est finement pensé !
Et noblement exprimé ! Les auteurs se peignent dans leurs ouvrages… Allez porter ce coffre dans mon cabinet, Marine, (Marine sort.)
Scène V.
Il faut que je te donne quelque chose, à toi, Flamand. Je veux que tu boives à ma santé.
Je n’y manquerai pas, madame, et du bon encore,
Je t’y convie.
Quand j’étois chez ce conseiller que j’ai servi ci-devant, je m’accommodois de tout ; mais depuis que je suis chez M. Turcaret, je suis devenu délicat, oui !
Rien n’est tel que la maison d’un homme d’affaires pour perfectionner le goût.
Le voici, madame, le voici. (il sort.)
Scène VI.
Je suis ravie de vous voir, monsieur Turcaret, pour vous faire des compliments sur les vers que vous m’avez envoyés.
Oh ! oh !
Savez-vous bien qu’ils sont du dernier galant ? Jamais les Voiture, ni les Pavillon n’en ont fait de pareils,
Vous plaisantez, apparemment
Point du tout.
Sérieusement, madame, les trouvez-vous bien tournés ?
Le plus spirituellement du monde.
Ce sont pourtant les premiers vers que j’aie faits de ma vie.
On ne le diroit pas.
Je n’ai pas voulu emprunter le secours de quelque auteur, comme cela se pratique.