Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/123

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mac, je sentais que ce viscère ne me savait pas mauvais gré des injustices que je lui faisais. Nous demeurâmes longtemps dans ce cabaret, Fabrice et moi ; nous y rîmes bien aux dépens de nos maîtres, comme cela se pratique entre valets. Ensuite, voyant que la nuit approchait, nous nous séparâmes, après nous être mutuellement promis que le jour suivant, l’après-dînée, nous nous retrouverions au même lieu.


CHAPITRE IV

Gil Blas continue d’exercer la médecine avec autant de succès que de capacité. Aventure de la bague retrouvée.


Je ne fus pas sitôt au logis, que le docteur Sangrado y arriva. Je lui parlai des malades que j’avais vus, et lui remis entre les mains huit réaux qui me restaient des douze que j’avais reçus pour mes ordonnances. Huit réaux, me dit-il, après les avoir comptés, c’est peu de chose pour deux visites ; mais il faut tout prendre. Aussi les prit-il presque tous. Il en garda six, et me donnant les deux autres : Tiens, Gil Blas, poursuivit-il, voilà pour commencer à te faire un fonds ; de plus, je veux faire avec toi une convention qui te sera bien utile ; je t’abandonne le quart de ce que tu m’apporteras. Tu seras bientôt riche, mon ami ; car il y aura, s’il plaît à Dieu, bien des maladies cette année.

J’avais bien lieu d’être content de mon partage, puisque ayant dessein de retenir toujours le quart de ce que je recevrais en ville, et touchant encore le quart du reste, c’était, si l’arithmétique est une science certaine, près de la moitié du tout qui me revenait. Cela m’inspira une nouvelle ardeur pour la médecine. Le lendemain dès que j’eus dîné, je repris mon habit de substitut, et