et tantôt elle me versait à boire, malgré tout ce que nous pouvions faire, Marcos et moi, pour l’en empêcher. Quand j’eus soupé, messieurs de la symphonie se préparèrent à bien accorder leurs voix avec leurs guitares. Nous fîmes un concert qui charma Mergelina. Il est vrai que nous affections de chanter des airs dont les paroles flattaient son amour ; et il faut remarquer qu’en chantant je la regardais quelquefois du coin de l’œil, d’une manière qui mettait le feu aux étoupes ; car le jeu commençait à me plaire. Le concert, quoiqu’il durât depuis longtemps, ne m’ennuyait point. Pour la dame, à qui les heures paraissaient des moments, elle aurait volontiers passé la nuit à nous entendre, si le vieil écuyer, à qui les moments paraissaient des heures, ne l’eût fait souvenir qu’il était déjà tard. Elle lui donna bien dix fois la peine de répéter cela. Mais elle avait affaire à un homme infatigable là-dessus ; il ne la laissa point en repos que je ne fusse sorti. Comme il était sage et prudent, et qu’il voyait sa maîtresse abandonnée à une folle passion, il craignit qu’il ne nous arrivât quelque traverse. Sa crainte fut bientôt justifiée : le médecin, soit qu’il se doutât de quelque intrigue secrète, soit que le démon de la jalousie, qui l’avait respecté jusqu’alors, voulût l’agiter, s’avisa de blâmer nos concerts. Il fit plus : il les défendit en maître ; et, sans dire les raisons qu’il avait d’en user de cette sorte, il déclara qu’il ne souffrirait pas davantage qu’on reçût chez lui des étrangers.
Marcos me signifia cette déclaration, qui me regardait particulièrement, et dont je fus très mortifié. J’avais conçu des espérances que j’étais fâché de perdre. Néanmoins, pour rapporter les choses en fidèle historien, je vous avouerai que je pris mon mal en patience. Il n’en fut pas de même de Mergelina : ses sentiments en devinrent plus vifs. Mon cher Marcos, dit-elle à son écuyer, c’est de vous seul que j’attends du secours. Faites en sorte, je vous prie, que je puisse