Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus fiers que lui-même : Gil Blas n’avait pas le point d’honneur si haut placé.

M. Villemain dit encore, après avoir parlé du Diable boiteux :


« Mais ce ne sont là que des notes, et l’album de voyage du grand peintre de la vie humaine. C’est dans Gil Blas qu’il l’a décrite par une fiction fort simple, celle d’un spectateur qui s’est mêlé à tout, a passé par toutes les conditions, depuis celle de valet jusqu’à celle de premier commis et de sous-ministre, et a fait connaissance avec tous les vices, tous les travers, tous les ridicules, par l’exemple d’autrui, et souvent par le sien. Cette forme a été partout imitée. On a fait le Gil Blas de chaque pays ; et le meilleur livre que nous ayons sur l’Orient, l’Anastase de M. Hope, est une espèce de Gil Blas, racontant par quelle succession d’aventures il a tour à tour essayé toutes les conditions de la vie grecque et musulmane. Mais, en Orient, cette variété de tableaux ne peut naître que d’une foule de vicissitudes violentes et romanesques : dans notre civilisation paisible, c’est une suite d’événements fort simples qui nous montrent la société sous tous les points de vue. Aucun incident pris à part n’est rare ni singulier. Quant au personnage principal, comme acteur et comme témoin, il est également tiré de la moyenne de l’humanité. Il n’a ni vertus ni talents extraordinaires.


......Quemvis media erue turba,
Aut ab avaritia, aut miser ambitione laborat.
Nam vitiis nemo sine nascitur : optimus ille est
Qui minimis urgetur
........


Aussi le tout est conté d’un ton si simple et si vrai, qu’après avoir lu le livre, on connaît et parfois dans le monde on retrouve les personnages. »