Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 1.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec transport, et promis de m’en acquitter avec autant de zèle que de diligence. En effet, je n’attendis pas qu’il fût jour pour aller accomplir ma promesse ; je quittai sur-le-champ Séraphine, en la conjurant de me pardonner la frayeur que je lui avais causée, et l’assurant qu’elle aurait bientôt de mes nouvelles. Je sortis par où j’étais entré, mais si occupé de la dame, qu’il ne me fut pas difficile de juger que j’en étais déjà fort épris. Je m’en aperçus encore mieux à l’empressement que j’avais de courir pour elle, et aux amoureuses chimères que je formai. Je me représentais que Séraphine, quoique possédée de sa douleur, avait remarqué mon amour naissant, et qu’elle ne l’avait peut-être pas vu sans plaisir. Je m’imaginais même que si je pouvais lui porter des nouvelles certaines de sa sœur, et que l’affaire tournât au gré de ses souhaits, j’en aurais tout l’honneur.

Don Alphonse interrompit en cet endroit le fil de son histoire, et dit au vieil ermite : Je vous demande pardon, mon père, si, trop plein de ma passion, je m’étends sur des circonstances qui vous ennuient sans doute. Non, mon fils, répondit l’anachorète, elles ne m’ennuient pas ; je suis même bien aise de savoir jusqu’à quel point vous êtes épris de cette jeune dame dont vous m’entretenez : je règlerai là-dessus mes conseils.

L’esprit échauffé de ces flatteuses images, reprit le jeune homme, je cherchai pendant deux jours le ravisseur de Julie ; mais j’eus beau faire toutes les perquisitions imaginables, il ne me fut pas possible d’en découvrir les traces. Très mortifié de n’avoir recueilli aucun fruit de mes recherches, je retournai chez Séraphine, que je me peignais dans une extrême inquiétude. Cependant elle était plus tranquille que je ne pensais. Elle m’apprit qu’elle avait été plus heureuse que moi ; qu’elle savait ce que sa sœur était devenue ; qu’elle avait reçu une lettre de don Fernand même, qui lui mandait qu’après avoir secrètement épousé Julie, il l’avait conduite dans un couvent de Tolède. J’ai envoyé