Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

firent connaître, par la manière dont elles me reçurent, qu’elles y étaient soumises sans répugnance. Je menai le beau-père au duc de Lerme que j’avais prévenu la veille, et je le lui présentai. Son Excellence lui fit un accueil des plus gracieux, et lui témoigna de la joie de ce qu’il avait choisi pour gendre un homme qu’elle affectionnait beaucoup, et qu’elle prétendait avancer. Elle s’étendit ensuite sur mes bonnes qualités, et dit tant de bien de moi, que le bon Gabriel crut avoir rencontré dans ma seigneurie le meilleur parti d’Espagne pour sa fille. Il en était si aise, qu’il en avait la larme à l’œil. Il me serra fortement entre ses bras lorsque nous nous séparâmes, en me disant : Mon fils, j’ai tant d’impatience de vous voir l’époux de Gabriela, que vous le serez dans huit jours, tout au plus tard.


CHAPITRE II

Par quel hasard Gil Blas se ressouvint de don Alphonse de Leyva, et du service qu’il lui rendit par vanité.


Laissons là mon mariage pour un moment. L’ordre de mon histoire le demande, et veut que je raconte le service que je rendis à don Alphonse, mon ancien maître. J’avais entièrement oublié ce cavalier, et voici à quelle occasion j’en rappelai le souvenir.

Le gouvernement de la ville de Valence vint à vaquer dans ce temps-là. En apprenant cette nouvelle, je pensai à don Alphonse de Leyva. Je fis réflexion que cet emploi lui conviendrait à merveille ; et, moins peut-être par amitié que par ostentation, je résolus de le demander pour lui. Je me représentai que, si je l’obtenais, cela me ferait un honneur infini. Je m’adressai donc au duc de Lerme. Je lui dis que j’avais été intendant de don César de Leyva et de son fils, et qu’ayant tous les sujets du monde de me louer d’eux, je prenais la liberté