Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/214

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trouvais à tout moment des passages qui flattaient mon aversion pour la cour et mon goût pour la solitude.

Je passai trois semaines sans entendre parler de mon négociateur, qui revint enfin, et me dit d’un air gai : Pour le coup, Seigneur de Santillane, je vous apporte de bonnes nouvelles ! Madame la nourrice s’intéresse pour vous. Sa suivante, à ma prière, et pour une centaine de pistoles que j’ai consignées, a eu la bonté de l’engager à prier le prince d’Espagne de vous faire relâcher ; et ce prince, qui, comme je vous l’ai dit souvent, ne peut rien lui refuser, a promis de demander au roi son père votre élargissement. Je suis venu au plus vite vous en avertir, et je vais retourner sur mes pas pour mettre la dernière main à mon ouvrage. À ces mots, il me quitta pour reprendre le chemin de la cour.

Son troisième voyage ne fut pas long. Au bout de huit jours je vis revenir mon homme, qui m’apprit que le prince avait, non sans peine, obtenu du roi ma liberté ; ce qui me fut confirmé dès le même jour par le seigneur châtelain qui vint me dire en m’embrassant : Mon cher Gil Blas, grâce au ciel, vous êtes libre ! Les portes de cette prison vous sont ouvertes ; mais c’est à deux conditions qui vous feront peut-être beaucoup de peine, et que je me vois à regret obligé de vous faire savoir. Sa Majesté vous défend de vous montrer à la cour, et vous ordonne de sortir des deux Castilles dans un mois. Je suis très mortifié qu’on vous interdise la cour. Et moi j’en suis ravi, lui répondis-je. Dieu sait ce que j’en pense. Je n’attendais du roi qu’une grâce, il m’en fait deux.

Étant donc assuré que je n’étais plus prisonnier, je fis louer deux mules, sur lesquelles nous montâmes le lendemain, mon confident et moi, après que j’eus dit adieu à Cogollos, et remercié mille fois Tordesillas de tous les témoignages d’amitié que j’avais reçus de lui. Nous prîmes gaiement la route de Madrid, pour aller