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tés qu’on exigea de lui, fit ses petites affaires, et s’en retourna dans la Castille Nouvelle avec quelques pistoles de reste.


CHAPITRE XIII

Gil Blas rencontre à la cour son cher ami Fabrice. Grande joie de part et d’autre. Où ils allèrent tous deux, et de la curieuse conversation qu’ils eurent ensemble.


Je m’étais fait une habitude d’aller tous les matins chez le roi, où je passais deux ou trois heures entières à voir entrer et sortir les grands, qui me paraissaient là sans cet éclat dont ils sont ailleurs environnés.

Un jour que je me promenais et me carrais dans les appartements, y faisant, comme beaucoup d’autres, une assez sotte figure, j’aperçus Fabrice que j’avais laissé à Valladolid au service d’un administrateur d’hôpital. Ce qui m’étonna, c’est qu’il s’entretenait familièrement avec le duc de Medina Sidonia et le marquis de Sainte-Croix. Ces deux seigneurs, à ce qu’il me semblait, prenaient plaisir à l’entendre. Avec cela, il était vêtu aussi proprement qu’un noble cavalier.

Ne me tromperais-je point ? disais-je en moi-même ; est-ce bien là le fils du barbier Nunez ? C’est peut-être quelque jeune courtisan qui lui ressemble. Je ne demeurai pas longtemps dans le doute. Les seigneurs s’en allèrent ; j’abordai Fabrice. Il me reconnut dans le moment, me prit par la main, et, après m’avoir fait percer la foule avec lui pour sortir des appartements : Mon cher Gil Blas, me dit-il en m’embrassant, je suis ravi de te revoir. Que fais-tu à Madrid ? es-tu encore en condition ? as-tu quelque charge à la cour ? dans quel état sont tes affaires ? Rends-moi compte de tout ce qui t’est arrivé depuis ton départ précipité de Valladolid. Tu me demandes bien des choses à la fois, lui