Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/188

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temps sans parler ; on lui présenta en même temps un livre, dont les feuilles étaient de vélin, avec des miniatures admirables, la couverture d’or, chargée de pierreries, et les statuts de l’ordre des Chevaliers d’Amour y étaient écrits d’un style fort tendre et fort galant. L’on dit au roi que la princesse qu’il avait vue le priait d’être son chevalier, et qu’elle lui envoyait ce présent. À ces mots, il osa se flatter que c’était celle qu’il aimait. « Quoi ! la belle princesse Florine, s’écria-t-il, pense à moi d’une manière si généreuse et si engageante ? — Seigneur, lui dit-on, vous vous méprenez au nom : nous venons de la part de l’aimable Truitonne. — C’est Truitonne qui me veut pour son cavalier ! dit le roi d’un air froid et sérieux. Je suis fâché de ne pouvoir accepter cet honneur, mais un souverain n’est pas assez maître de lui pour prendre les engagements qu’il voudrait. Je sais ceux d’un chevalier, je voudrais les remplir tous, et j’aime mieux ne pas recevoir la grâce qu’elle m’offre que de m’en rendre indigne. » Il remit aussitôt le cœur, la chaîne et le livre dans la même corbeille ; puis il envoya tout chez la reine, qui pensa étouffer de rage avec sa fille, de la manière méprisante dont le roi étranger avait reçu une faveur si particulière.

Lorsqu’il put aller chez le roi et la reine, il se rendit dans leur appartement : il espérait que Florine y serait, il regardait de tous côtés pour la voir. Dès qu’il entendait entrer quelqu’un dans la chambre, il tournait la tête brusquement vers la porte ; il paraissait inquiet et chagrin. La malicieuse reine devinait assez ce qui se passait dans son âme, mais elle n’en faisait pas semblant. Elle ne lui parlait que de parties de plaisir, il répondait tout de travers ; enfin il demanda où était la princesse Florine. « Seigneur, lui dit