Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/189

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fièrement la reine, le roi, son père, a défendu qu’elle sorte de chez elle jusqu’à ce que ma fille soit mariée. — Et quelle raison, répliqua le roi, peut-on avoir de tenir cette belle personne prisonnière ? — Je l’ignore, dit la reine ; et, quand je le saurais, je pourrais me dispenser de vous le dire. » Le roi se sentait dans une colère inconcevable ; il regardait Truitonne de travers, et songeait en lui-même que c’était à cause de ce petit monstre qu’on lui dérobait le plaisir de voir la princesse. Il quitta promptement la reine : sa présence lui causait trop de peine.

Quand il fut revenu dans sa chambre, il dit à un jeune prince qui l’avait accompagné, et qu’il aimait fort, de donner tout ce qu’on voudrait au monde pour gagner quelqu’une des femmes de la princesse, afin qu’il pût lui parler un moment. Ce prince trouva aisément des dames du palais qui entrèrent dans la confidence ; il y en eut une qui l’assura que le soir même Florine serait à une petite fenêtre basse qui répondait sur le jardin, et que par là elle pourrait lui parler, pourvu qu’il prit de grandes précautions afin qu’on ne le sût pas : « Car, ajouta-t-elle, le roi et la reine sont si sévères qu’ils me feraient mourir, s’ils découvraient que j’eusse favorisé la passion de Charmant. » Le prince, ravi d’avoir amené l’affaire jusque-là, lui promit tout ce qu’elle voulait, et courut faire sa cour au roi en lui annonçant l’heure du rendez-vous. Mais la mauvaise confidente ne manqua pas d’aller avertir lu reine de ce qui se passait et de prendre ses ordres. Aussitôt elle pensa qu’il fallait envoyer sa fille à la petite fenêtre ; elle l’instruisit bien, et Truitonne ne manqua à rien, quoiqu’elle fût naturellement une grande bête.