Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/26

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nous interrogeons encore Littré et lui de demandons les étymologies.

Il répond : « Genev. faye ; Berry fade, provençal fada ; espagnol hada ; portugais fada ; italien fata du latin fata, qui se trouve pour Parque et qui est dérivé de Fatum. Destin. »

Le Dictionnaire de Littré n’a pu que concentrer les définitions, que résumer les interprétations. Il importe, pour être complet et vider à fond cette question des origines historiques et étymologiques, d’interroger tour à tour les travaux de Walckenaër, de Maury, de Le Roux de Lincy, de Hersart de la Yillemarque, de Ch. Giraud, et de s’enfoncer avec eux, sans nous y perdre, dans la forêt des gloses, en dégageant, chemin faisant, les idées génératrices de ce mot de fée.

La raison des mots est dans les idées auxquelles ils correspondent. L’idée principale, dominante, l’idée maîtresse du mot, fée est évidemment l’idée du Sort, du Destin, du Fatum mystérieux, de l’avenir inconnu, objet éternel des craintes et des espérances de l’homme) Les Parques, qui, selon les croyances païennes, filaient et tranchaient le fil de la destinée humaine, les Parques, maîtresses du Destin, dominas fait, dit Ovide, et aussi, par extension, les nymphes, fatux, qui peuplaient les champs, les prés et les bois, et dansaient d’un pied ailé, au clair de lune, sur l’herbe argentée, sont les mères et les sœurs des fées de la tradition celtique et druidique, qui tiendront une si grande place, joueront un si grand rôle dans les lais et les poèmes chevaleresques du moyen âge, y présideront aux natalités héroïques, et en aiguillonneront ou contrarieront l’action par leurs enchantements.

Dans la formation du mot, comme dans la formation du personnage fantastique, de l’être intermédiaire entre le naturel et le surnaturel, qui sera la fée, il faut encore tenir compte, pour s’expliquer toutes les filiations et toutes les métamorphoses, de ces prêtresses vierges de l’île de Sein, de ces nuises des chants bardiques, aux cheveux blonds couronnés de verveine, à la faucille d’or, destinée à couper le gui sacré, pendue à la ceinture, qui, selon les Celtes et les Gallois, renaissaient, après leur mort, à une nouvelle vie, supérieure en privilèges à celle qu’elles avaient quittée.

On aura ainsi tous les éléments, tous les souvenirs confus des superstitions païennes et druidiques dont la fermentation, la corruption, ont présidé à la naissance, dans l’imagination populaire,