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cette mythologie fantastique dont le brouillard s’élèvera et s’interposera pendant des siècles comme un rideau entre les obscurités païennes et les lumières chrétiennes ; nous savons leur figure, leur costume typique, leur caractéristique attribut de présider au sort de la naissance.

Mais nous ne saurions nous borner à ces notions sommaires, à ces aperçus superficiels, dont le but a été uniquement de nous initier aux rudiments du sujet, et de nous permettre de passer, forts de cette indispensable préparation, à l’exposition et à l’examen critique des théories, des systèmes, des controverses dont les fées et la féerie ont été l’objet.

III

Ces divers systèmes, ces diverses théories sur l’origine des fées et de la féerie, peuvent se personnifier dans les trois écrivains qui les ont soutenus, et dont le nom seul suffit presque a les indiquer et à les caractériser. Nul lecteur, en effet, ne s’étonnera d’apprendre que M. le baron Valckenaër est le champion à outrance d’une origine celtique, nationale, exclusive de tout alliage, de la féerie ; que M. Charles Giraud est partisan d’une origine latine, mais modifiée par des influences successives, des courants divers, éclectique, pourrait-on dire ; enfin, que M. François-Victor Hugo, examinant cette origine de la superstition des fées sous ses rapports moraux, sociaux, religieux même, et se plaçant au point de vue des idées du seizième siècle sur la matière, telles qu’elles résultent de l’examen du théâtre fantastique de Shakespeare, voit dans la féerie une superstition non païenne, mais chrétienne, et issue de la Bible elle-même.

Sans abandonner la solution qui a nos prédilections et qui nous semble absolument orthodoxe, de l’origine latine et païenne que nous avons attribuée à la fée et a la féerie, nous aurions mauvaise grâce à refuser d’admettre à cette solution quelques tempéraments, c’est-à-dire détenir compte des solutions différentes. Il est bien rare que les personnages mythiques, traditionnels, légendaires, soient d’une seule pièce. Aux éléments de création, il faut ajouter les éléments d’influence et faire la part des vicissitudes du type et de ses successifs al liages. La fée est un personnage éclectique ; elle