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Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/32

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ce les appeloit leu fées, quar fées, selon le latin, vaut autant comme destinée : fatatrices vocabantur. »

Malgré les anathèmes de l’église et les protestations naïves des moralistes, la croyance aux fées demeura encore opiniâtrement mêlée, dans l’esprit des pauvres gens, à la croyance aux anges, et ils usèrent souvent, à la fois et aux mêmes lieux, des pratiques de la dévotion chrétienne et de cette superstition idolâtrique. La pieuse et naïve Jeanne Darc entendit peut-être tour à tour les anges et les fées dans ses visions de l’arbre des Fées, de l’arbre hanté, dont l’ombrage abritait ses rêveries.

Comme témoignage de cette croyance, un grand nombre de lieux en France ont consacré par leur nom le souvenir de cette fréquentation, de ces apparitions des fées. Parmi ces lieux on peut citer, en Bretagne, la lande de Kerloiou ; la roche aux Fées, canton de Rethiers, dans la forêt du Theil, et à Essé (Ille-et-Vilaine), la Motte aux Fées ; une tombelle gauloise, à Vihiers (Maine-et-Loire) ; le Terrier de la Fade, dans l’île de Corcours près de Saintes ; le Puits aux Fées, près de Vienne (Isère) ; la Pierre aux Fées, à Noailles (Oise) ; le peulvan de Sainte-Hélène (Lozère), où l’on voit lou Bertel de las Fadas (le fuseau des fées) ; les dolmens de Saint-Maurice (arrondissement de Lodève), où l’on signale la Maison des Fées (l’oustal de las Fadas) ; la Cabane des Fées, dolmen situé près de Felletin (Creuse) ; le Four des Fées, grottes druidiques sur la route de Dijon à Plombières ; la Grotte aux Fées, près des ruines du château d’Urfé, dans le Forez. Aux confins de l’Auvergne et du Velay, au village de Borne, sur la rive gauche de la rivière de ce nom, on trouve des rochers et des grottes portant, depuis l’époque celtique, le nom de Chambre des Fées. À Pinots, près de Saint-Flour, les pierres de la Tioule de las Fadas passent pour avoir été apportées par les fées pour leur servir de sièges, et l’on retrouve à plus d’un endroit de l’Auvergne ces Peyros de las Fadas, comme on rencontre près de Blois, entre Pont-Levoy et Chenay, la Pierre de Minuit, ouvrage des fées, aux environs de Tours, une autre pierre druidique, que les fées ont apportée, dit-on, au bout de leurs doigts[1].

Nous connaissons maintenant l’origine historique des fées, l’origine étymologique de leur nom, leur place et leur rôle dans

  1. Alfred Maury, les Fées au moyen âge, p. 46-47.