Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/337

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répliqua-t-il. — Eh bien ? dit le calife. — Tarare, dit l’autre en faisant la révérence. — Et pourquoi vous appelez-vous Tarare ? — Parce que ce n’est pas mon nom. — Et comment cela ? dit le calife. — C’est que j’ai quitté mon nom pour prendre celui-là, dit-il ; ainsi, je m’appelle Tarare, quoique ce ne soit pas mon nom. — Il n’y a rien de si clair, dit le calife ; et cependant j’aurais été plus d’un mois à le trouver. Eh bien, Tarare, que ferons-nous à ma fille ? — Ce qu’il vous plaira, répondit-il.

— Mais encore ? poursuivit le calife. — Tout ce qu’il vous plaira, disait toujours Tarare.

— Bref, dit le calife, mon sénéchal m’a dit qu’il fallait vous consulter sur le malheur qu’elle a de tuer ou de rendre aveugles tous ceux qui la regardent. — Sire, dit Tarare,

La faute en est aux Dieux qui la firent si belle,
Et non pas à ses yeux.

« Mais si c’est un malheur que d’avoir de beaux yeux, voici, selon mon petit jugement, ce qu’il faudrait faire pour y remédier. La magicienne Serène sait tous les secrets de la nature ; envoyez-lui quelque bagatelle d’un million ou deux ; et, si elle ne vous enseigne un remède pour les yeux de la princesse, vous pouvez compter qu’il n’y en a point. En attendant, je serais d’avis qu’on imaginât quelque coiffure d’un beau vert pour y enfermer les cheveux de Luisante ; car je me trompe fort si leur éclat, joint à celui de ses yeux, n’est en partie cause que ses regards sont si dangereux ; et, pour lever tous les obstacles, ce sera moi, si Votre Majesté le trouve bon, qui consulterai la magicienne de votre part, puisque je sais sa demeure. »