Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/347

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mieux faite des déesses, et à sa grâce, pour toutes les grâces assemblées dans une personne.

Elle était très simplement vêtue ; mais un arrangement naturel, que soutenait un air de propreté, la parait tellement en dépit de ses habits, qu’elle lui parut quelque princesse déguisée.

Il la regarda trois fois, depuis les pieds jusqu’à la tête, à mesure qu’elle avançait vers le ruisseau ; et trois fois il jura tout bas qu’il n’avait jamais vu de pieds si bien tournés, ni tant d’agréments que dans la figure qu’ils soutenaient.

Il se détourna, faisant semblant de suivre ses chèvres. Elle remplit une cruche qu’elle avait apportée, s’assit au bord du ruisseau, joignit les mains, et se mit à regarder tristement le courant de ses eaux.

Il se rapprocha dans le temps qu’ayant poussé quelques soupirs, elle se mit à dire : « Non, jamais créature ne fut si malheureuse ; hélas ! poursuivit-elle, puisque je suis assurée que mes malheurs ne changeront que pour augmenter, comment puis-je me résoudre à vivre ? » Elle s’arrêta quelque temps après cette réflexion, mais ce ne fut que pour pleurer ; et un moment après : « Heureux oiseaux, disait-elle, qui n’avez à craindre que les éléments, les hommes et d’autres oiseaux qui vous font une guerre continuelle, du moins jouissez-vous de la liberté malgré toutes vos alarmes, et vous n’êtes pas condamnés à la vue éternelle de ce qu’il y a de plus affreux au monde ! »

Elle répandit de nouvelles larmes en achevant ; et, après s’être lavé le visage et les mains, elle prit sa cruche et s’en alla.

Tarare l’avait attentivement examinée sans qu’elle eût pris