Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/352

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sa manière de parler. Il lui dit que, n’étant pas ce qu’il lui paraissait, il avait entrepris de l’enlever, elle, le Chapeau lumineux et la jument Sonnante ; qu’il avait entrepris tout cela pour le service d’une princesse qui passait pour la merveille du monde, et dont il commençait à ne se plus souvenir. « Eh ! quel moyen, disait-il, de s’en souvenir quand on a vu la charmante Fleur d’Épine ! c’est elle qui sera désormais l’objet de toutes mes entreprises. »

Elle ne parut point offensée de la déclaration, ni choquée du sacrifice. Dans le peu qu’ils eurent à rester ensemble, Tarare fut confirmé dans tout ce qu’il avait d’abord jugé de son esprit et de ses sentiments : il la conjura de se lier à lui de tout ce qui regardait l’exécution de son entreprise ; il ne lui demanda que de consentir à ce que proposerait un homme qui choisirait deux ou trois cent mille morts plutôt que de l’offenser.

Il s’informa d’elle précisément où était l’écurie de Sonnante : il sut qu’on ne se donnait pas la peine de la fermer, n’y ayant pas d’apparence qu’on pût voler une jument qui ne faisait pas le moindre mouvement sans qu’on l’entendît, et dont l’harmonie devenait bien plus éclatante dès qu’on la sortait de l’écurie. Il n’en demanda pas davantage : elle n’osa rester plus longtemps ; et, lorsqu’ils se séparèrent, elle le regarda tout aussi longtemps qu’elle put.

Dès qu’il l’eut perdue de vue, il se recommanda sérieusement à une fortune qui ne l’avait pas encore abandonné, à une industrie dont il avait plus besoin que jamais, et à toute la fermeté de son courage. Il sentait bien qu’il était inspiré par quelque chose au-dessus de l’adresse et du bon sens. Il s’imagina que c’était sa nouvelle passion ; mais c’était tout