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Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/360

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avantages soient séparés, que chacun choisisse celui qu’il aime le mieux. » Nous répondîmes tous deux à la fois ; je demandai l’esprit, et mon frère la beauté.

« Mon père, nous ayant embrassés, nous dit que chacun aurait avec le temps ce qu’il avait choisi.

« Mon frère s’appelait Phénix, et moi Pinson ; et, si nous avions eu d’autres frères, je ne doute pas qu’on ne les eût appelés, les uns Merle, les autres Sansonnet, Rossignol ou Serin, selon le nombre : car une des folies du bon petit prince était celle des oiseaux ; l’autre, de vouloir que ses enfants l’appelassent « Monsieur mon père, » en parlant de lui ; ce qu’il ne put jamais obtenir de moi : mais Phénix lui en donnait plus qu’il n’en demandait. Cela fut peut-être cause qu’on lui tint mieux parole qu’a moi ; car, à l’âge de dix-huit ans, c’était ce qu’on avait jamais vu de plus beau dans notre sexe. Mais, pour moi, quoiqu’on me flattât sur les gentillesses de mon esprit, je regardais cela comme ce qu’on dit de tous les enfants du monde, quand les pères et les mères vont fatiguant tous les gens de leurs bons mots, et je ne me sentais qu’autant d’esprit qu’il en fallait pour connaître que je n’en avais pas assez.

« Quoique nos inclinations fussent différentes, jamais il n’y eut d’union égale à celle qui était entre mon frère et moi. Je passais mon temps à lire tous les livres que je pouvais attraper, bons ou mauvais. Je distinguai bientôt les uns des autres ; et, me trouvant réduit à un assez petit nombre, je fus presque fâché d’une délicatesse qui retranchait beaucoup de ma lecture. Phénix ne songeait qu’à se parer pour éblouir par sa figure.

« Enfin, notre père mourut, et parut aussi content qu’on