Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/361

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le peut être quand on meurt, de ce qu’il nous laissait dans une union si parfaite. Dès qu’il fut en terre, nous commençâmes, pour la première fois, à être de différents avis et à vouloir contester l’un contre l’autre ; mais, dans une dispute qui fut très opiniâtre, il ne s’agissait que de vouloir céder chacun son droit. Phénix, se tuait de me dire que, comme j’étais plus capable de gouverner, je méritais mieux de succéder ; que, pour lui, fait comme il était, Dieu merci, en quelque endroit du monde qu’il allât, il n’avait pas peur de manquer. Ce fut en vain que je lui donnai d’aussi bonnes raisons pour se mettre en possession de notre petite principauté : je ne le persuadai pas. Ainsi, après un long débat, nous demeurâmes d’accord que nous partirions le même jour pour chercher fortune, chacun de son côté, à la charge que celui qui serait établi le premier tâcherait d’en informer l’autre, afin qu’il revînt se mettre en possession de notre commun héritage. Nous laissâmes des ministres fidèles pour gouverner en notre absence ; et, Phénix s’étant mis en campagne avec tous les charmes du monde, je partis avec le peu de bon sens qui m’était tombé en partage.

« Nous prîmes différentes routes. La première aventure qui m’arriva dans celle que j’avais prise est assez singulière, quoique ce ne soit pas de ces événements périlleux ou éclatants qui signalent les héros. J’avais parcouru beaucoup de provinces sans rien trouver qui me donnât la moindre espérance de m’élever à quelque fortune considérable. Je ne laissais pas de m’instruire partout où je trouvais quelque chose digne de mon attention ; j’appris des secrets de toutes les natures ; je remarquai ce que chaque pays avait de singulier : mais rien de tout cela ne contentait ma curiosité.