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Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/363

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point effarouchées de ma présence ; au contraire, après m’avoir fait quelques civilités, elles continuèrent un jeu où je ne comprenais rien, moi qui sais tous les jeux du monde. Il y avait une corneille de fort bonne mine, assise auprès d’elles, qui faisait des nœuds en les voyant jouer.

« J’avoue que je fus assez surpris d’un spectacle si nouveau ; je ne pouvais comprendre ce que c’était que cet enchantement. Elles mêlaient, coupaient et donnaient comme si elles n’avaient fait autre chose de leur vie. Au fort de mon attention, une de ces pies, après avoir longtemps filé une de ses cartes, les jeta toutes sur la table avec transport, et se mit à crier Tarare ! de toute sa force.

« Les autres y répondirent ; la corneille même, qui n’était pas du jeu, cria Tarare ! et, après cela, ce furent de nouveaux éclats de rire, mais si perçants, que je n’y pus tenir.

« Je sortis de l’appartement des pies du sombre château, et, trois jours après, du royaume. Ce fut environ dans ce temps-là que le bruit de cette beauté de Luisante commençait à se répandre partout : j’en appris des choses si merveilleuses, que je ne les pus croire ; et, quelque danger qu’on me dit qu’il y avait à la regarder, je résolus de m’éclaircir par moi-même si ce qu’on en disait était véritable.

« L’heureux royaume de Cachemire m’avait dès longtemps inspiré la curiosité de le voir, par les récits qu’on m’en avait faits. L’envie de quitter mon nom me vint tout à coup : je ne sais si ce fut par l’usage introduit parmi les aventuriers, qui se déguisent toujours, ou si le nom de Pinson ne me paraissait pas assez noble pour un homme qui avait envie de faire parler de lui chez la première beauté du monde : mais enfin je changeai mon nom ; et, l’aventure des pies m’étant